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30/04/2018

Bernadette Engel-Roux (2)

 

Le printemps leur fait croire à la paix et à la guérison des rages. Les mains des femmes ont fait le pain. Les mains des hommes ont roulé du tabac. Des enfants jouent, et leurs chemises sont les buissons en fleurs de ces pentes dénudées.

Sous les arbres, les enfants de la guerre poussent la balançoire où depuis toujours leur peur oscille avec leur joie.

 

 * * * * *

 

Tant de mains inépuisables, toutes à apprendre aux mains guerrières la douceur d'épeler sur une pierre gravée les lettres et les mots d'anciens combats, d'anciens royaumes en leurs frontières, d'anciens printemps sur l'Ararat, la douceur d'épeler auprès d'un autre enfant encore enfant les signes anciens d'une fraternité.

 

  * * * * *

 

Un homme, une femme, debout dans la nuit du monde, renversent la tête et regardent le ciel de toutes leurs questions, étrangement légères, étoiles devenues, si haut montées que le cœur s'en soulève. A cette heure où plus rien n'est à faire pour que le souffle se mesure à la nuit, leurs mains rendues s'ouvrent, et la distance, par-dessus les montagnes légères et noires, les mers lourdes et noires, la distance les comble.

Orion décline, car c'est le même ciel dans cette nuit d'avril qui tend sa toile à ces deux-là. L'Ararat tient ouvert son beau livre de neige.

 

 

Ararat. - éd. Cheyne, 1996. - 58 p. - Prix Louis Guillaume 1996.

 

 

 

Bernadette Engel-Roux

Née en 1952. Parmi ses autres recueils : Plateaux du songe (éd. Cheyne, 1992) ; L'orage (éd. Babel, 1994) ; A contre-pentes (éd. L'Arrière-Pays, 1998) ; Le Soust (éd. Le Laquet, 2000) ; Brasier (éd. Babel, 2003) ; Aux lèvres des péris (éd. L'Arbre à paroles, 2004) ; Nocturne (éd. de Corlevour, 2005) ; Une visitation (éd. L'Arrière-Pays, 2005, Prix Louise Labé 2007) ; Demeure de mélancolie (éd. La Pierre d'alun, 2007) ; Hauts sont les monts (éd. de Corlevour, 2008) ; Aubes (éd. Le Bois d'Orion, 2011) ; Homme marchant dans l'image (éd. Le Grand Tétras, 2015) ; Ce vase plein de lait (éd. Voix d'encre, 2017) ; Instants incertains (éd. Le Bois d'Orion, 2017) ; Madeleine (éd La Pierre d'alun, 2017) ; Le bleu des lointains (éd. L'Atelier contemporain, 2017) ; Pierres gravées (éd. Le Verbe et l'Empreinte, 2017).

Précédente publication sur PoésieMaintenant le 5 juillet 2006.

 

 
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29/07/2017

Étienne Orsini

 

Une seconde d'inattention et le monde a changé. Tous mes repères sont saccagés. Mes marques demeurent introuvables. Hier me retient dans ses griffes, d'où demain ne me sauvera pas ni même n'essaiera. Un rien de transformé à la surface des choses et des êtres aimés m'interdit les choses et les êtres aimés.

L’insensible m'engourdit tout entier et la nostalgie du sensible m'est l'ultime douleur. Je voudrais tant avoir la force de mes pleurs mais je suis vieux dans un corps si jeune. Un géronte alité avant que d'être né. Il n'aurait pas fallu rêver.

 

 

 

A perte d'oubli. - éd. Le Nouvel Athanor, 2006. - 104 p. 

In : L'Année poétique 2007 

/ Patrice Delbourg et Jean-Luc Maxence ;

préface de Bruno Doucey (éd. Seghers, 2007).

 

 

Étienne Orsini

Né en 1968. Parmi ses autres recueils :  Mais je reviens de l'immobile (Le Nouvel Athanor, 2004, préface de Jean-Luc Maxence) ; Veillée d'âme (éd. Le Nouvel Athanor, 2008, préface de Bruno Doucey) ; Autant que ciel se peut (éd. Le Nouvel Athanor, 2010, préface de Salah Stétié) ; Gravure sur braise (éd. Le Nouvel Athanor, 2013, préface de Michel Cazenave) ; Un paysage, à l'arbre près (éd. L'Esprit de la lettre, 2014) ; Un visage ne va pas de soi (éd. Recours au Poème, 2015) ; Répondre aux oiseaux (éd. Pippa, 2016).

 

 

 

 

 
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08/01/2015

Alain Freixe (2)

 

  Tu fronces un peu les yeux comme pour te libérer du silence. Descellées, les lattes du parquet en décident toujours autrement. C'est alors comme un bruit. Du silence froissant du silence, et s'effeuillant. Se dépliant en tons sourds, en vibrations sèches vouées à se perdre dans la distance où tu te tiens. Ce bruit de fond roule parmi tes pierres ses eaux d'hier et de demain.

 

  Sous leur poussée, tu revois, ces feux que le soleil allumait aux raisins de l'été jusqu'aux froids de l'hiver. Et dans les vignes de novembre, avant le vin de lune, ces fagots de sarments. Leurs poids sur les épaules des enfants qui avaient cru aux flammes.

 

  Cela ne dure pas. Déjà, le vent déchire les ombres. Et c'est la clarté du temps qui s'engouffre. Quand tout à son heure, frémissant et murmurant, il voue ses bruissement à n'être pas tout à fait du jour.

 

  Chez toi n'est jamais qu'un seuil. Par chez toi, tu passes et repasses, envisages et dévisages, ne reposant jamais que dans les bras de cet ange blanc de la distance, dont tu aimes à te souvenir. Ange au sourire, blanc comme l'amour. Quand la main de l'inconnu pèse à ton épaule. Vers l'avant. Jusqu'aux violettes cernées au noir humide des sous-bois.

 

  Toujours entre deux marches, deux plis de terre, deux argiles piétinées. Toujours à passer les frontières. Tu rôdes, entre deux tons, deux tâches de couleur ou deux sons, fidèle à cet éloignement par où te vient le monde. De biais. Toujours.

 

Avant la nuit. - éd. L'Amourier, 2003. - 62 p.

 

Alain Freixe

Né en 1946. Parmi ses autres recueils : Partage orphelin (éd. G. Chambelland, 1981) ; Ailes, quant à la détourne (éd. G. Chambelland, 1981) ; Où suffit la lumière (éd. Cahiers Froissart, 1989) ; A jour perdu (éd. Encres vives, 1995) ; Comme des pas qui s'éloignent (éd. L'Amourier, 1999, Prix Louis Guillaume 2000) ; Cahier Rovini (éd. L'Amourier, 1999) ; Entre pierres et lumières (éd. La Porte, 2000) ; Traces du temps (éd. L'Amourier, 2003) ; Villes, passages sombres du temps (éd. La Porte, 2004) ; Rappelez-vous / avec Yves Ughes (éd. La Porte, 2006) ; Dans les ramas (éd. L'Amourier, 2007) ; Madame des villes, des champs et des forêts / avec Raphaël Monticelli (éd. L'Amourier, 2011) ; Vers les riveraines (éd. L'Amourier, 2013).

A lire également : Chant de l'évidence : entretien avec Alain Freixe / Jean-Max Tixier (éd. Autres Temps, 2008).

Son blog, La poésie et ses entours, un foisonnement d'informations sur la poésie contemporaine :  http://lapoesieetsesentours.blogspirit.com/    (lien ci-contre)

Déjà invité dans Poésiemaintenant le 2 septembre 2006.