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08/08/2012

Olivier Hobé

 

12.VIII.07, bar de La Fresnerie, Vendée

(...)

Parfois Q. s'enfonce dans sa tumeur, la peur semblant alors y être chevillée. Il oscille entre impuissance et soumission. Cependant, l'exaspération qui fait naître la rebellion n'est jamais loin, qui ne sait contre qui ou quoi s'exercer.

Sa douleur passe dans la mienne : il me faut vite l'apprivoiser avant de la lui rendre moins sauvage, comme apaisée, pur jus de fruit pressé entre mes mains. Aussi, lorsqu'on nous a annoncé son cancer, et sans doute pour exciter notre imaginaire qui s'effondrait alors, on nous a dit qu'il avait une orange dans le ventre.

Tuer un cygne est sacrilège (Parsifal).

 

(...)

 

30.IX.07

Au lever du soleil la lumière est d'un jaune mûrissant. François Boulic, mon héros du moment, entame son dernier voyage.
Il manque encore quelque chose à son parcours, il est vrai qu'il ne fait pas carrière, et j'ai écarté l'idée de le croire entroupé. Il vit dans une sorte de méditation violente, fondu enchaîné à des laies interminables. D'un sonneur rustre et aviné, j'ai fait un poète russe dont le monde ancien s'écroule. Je mêlerai à nouveau, avant la chute, cette dernière traversée de lui-même avec les souvenirs de son enfance. Je suis le revenant de ce type lui-même alors revenu de tout.

Eu longuement le Bidurig au téléphone il y a deux nuits. Les discours des enfants qui n'ont pas l'habitude de beaucoup parler sont les trésors de leurs pères. Je hais les bavards, enfants y compris. C'est là que les tendres taiseux se révèlent bleus saumons remontant les rivières argentées du réseau mondial des ondes.

Toujours pas découpé La presqu'île (1), mais j'ai relu les russes chassés de leur cerveau, rassemblés par Armand Robin (2), je suis aussi entre deux actes d'Ondine (3), celle-ci n'a pas mangé depuis deux jours, le texte apparemment pas davantage, même si ça m'a fait sourire, ici où là.

Je réfléchis au PAM (4) et au POUM (5). Pif paf, la tumeur s'écroule sous les coups du tonnerre de Brest. L'espoir, ça ce construit n'est-ce pas, mais sur quel marais, sur quelle féodalité ? On me dit que Q. attend que l'aiguille tremble du côté de la vie. Son calme apparent face à l'adversité de l'inconnu ne cesse de m'impressionner. Chapeau bas. Toujours les crinières des chevaux légers renaissent à leur course originelle. Oui, bas, jeune homme, j'allais dire sous terre, et je me surprends à sourire, c'est bon, me dis-je.

 

(1)  Julien Gracq, La presqu'île, Paris, Corti, 1970.

(2) Armand Robin, Quatre poètes russes, Cognac, Le Temps qu'il fait, 1985.

(3) Jean Giraudoux, Ondine, Paris, Grasset, 1980.

(4) Programme alimentaire mondial.

(5) Partido obrero de unificacion marxista, Espagne 1935.

 

(...)

 

26.VI.08, bar Le Dis-moi tu, Châteaulin

(...)

Une femme en forme de boule porte un pain rond. La tranchera-t-on ? Une autre n'a pas défait son paquet-cadeau oublié sur la banquette, je remarque aussi le drapeau norvégien collé sur la lunette arrière de sa voiture blanche. Il paraît d'ailleurs que là-bas, les fjords rougissent quand on les embrasse.

Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m'envahit, je le sens, je le renifle, il n'a jamais été si proche de moi. On me regarde écrire. Dans un café, on se rend compte de la solitude des loutres. Il me semble être l'une d'entre elles.

 

 

Le journal d'un haricot. - éditions Apogée, 2011. - 54 p.

 

 

Olivier Hobé

Né en 1966. Parmi ses autres recueils : Autrement semblable (éd. Quimper est poésie, 1992) ; Carène (éd. Blanc Silex, 1999) ; Quelques phases critiques d'une géographie à bout de souffle (éd. Gros Textes, 2002) ; En pièces (éd. Le Chat qui Tousse, 2004).

Anime à Quimper la revue Trémalo qu'il a créée en 2006.

 

 

 

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