13/09/2006
Tahar Bekri
Liban, ma rose noire
Ils redoublent de férocité
Et crient aux cèdres
Nous sommes les seigneurs de la guerre
Nous fermons la mer le ciel et la terre
Et pissons sur vos prières
Nous mangeons les collines et les montagnes
Nous détournons les fleuves
Volons les lacs les plateaux et les arbres
De chiffres sans nom
Nous remplissons vos cimetières
Nous sommes les nouveaux aigles
Nous aimons les ruines et les décombres
Le sang des chevaux éventrés
Les larmes des murs
Les enfants sous les pierres
Nous sommes les bâtisseurs de vos cauchemars
Coupeurs de routes
Coupeurs de ponts
Démolisseurs d’aéroports
Brûleurs de vos réserves
La farine est notre ennemie
Votre pain poudre pour notre canonnière
Nous mettons l’air à genoux
Le vent à feu et à sang
Nous sommes les ravageurs de centrales hydrauliques
L’eau c’est pour laver vos morts
Nous sommes la nuit de votre détresse
Destructeurs de centrales électriques
Amis des chauves-souris
La cécité guide nos cœurs
Assoiffés de vos linceuls sans cercueils
Nous sommes les rois de la lumière
Nous tuerons la lune s’il le faut
Pour disperser vos cendres
Dans les trous de notre mémoire
Nous prierons Dieu pour ouvrir son Enfer
Croix et croissant pour nourrir nos brasiers
Et nous ferons de vos frontières nos pissotières
La bannière étoilée est notre chandelier
Dans le ciel déchiré par nos mâchoires
(également publié sur les sites Transfinito et Maison de la Poésie de Namur)
Tahar Bekri
Né en 1951 en Tunisie. Vit à Paris depuis 1976. Parmi ses recueils : Le coeur rompu aux océans (L'Harmattan, 1988) ; Les chapelets d'attache (L'Harmattan, 1994) ; Marcher sur l'oubli (L'Harmattan, 2000) ; L'horizon incendié (Al Manar, 2002) ; La brûlante rumeur de la mer (Al Manar, 2004) ; Les songes impatients (Aspect, 2004) ; Si la musique doit mourir (Al Manar, 2006).
17:10 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie
12/09/2006
Florence Trocmé
lutte à mort
Lutter avec la mort à mots raccourcis.
Lutter avec la mort à caresses prolongées
mots et caresses pour la désenchanter,
elle l'errante
la guetteuse gueuse sans relâche
qui veut la peau de l'amour
plus encore que nos peaux d'âne.
Compte à rebours 1
Tu penses alors à l'enregistrement audio de ce battement. Coups de la vie, coups qui disent la vie qui se fraie un chemin vers la fin, coups qui disent la vidange du sablier. Chaque coup capté passé te rapproche de ta mort à venir. Le sang bat, oui, mais il dit aussi « un coup de moins, un coup de moins ». Il épuise le capital des coups. Tu as x coups à battre avec ce cœur-là et rien ne te dit que ton potentiel n'est pas tout près de sa fin.
Balancier de l'horloge, sable du sablier, battements du cœur, ovules dans la matrice, mots, : même compte à rebours.
Le Flotoir, 22 juillet 2003.
Florence Trocmé
Née en 1949. Modératrice de deux sites web que je n'hésite pas à qualifier d'indispensables : Poezibao et Le Flotoir (liens ci-contre, colonne de gauche). Grand reporter, envoyée spéciale sur le front de la poésie de maintenant. Merci, Florence.
15:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie
03/09/2006
Serge Pey
Un jour viendra
où l'on épellera le fruit
où la pierre jetée dans le lac
nous prononcera
dans la fontaine
La vitesse de l'amour
nous fait passer de la tour au puits
et le centre soudain devient un homme
qui soutient le vide en lui donnant
un nouveau nombre
Je m'arrête un instant
pour boire un verre de petit brouillard
avec mon père
que j'arrache du monument aux morts
parmi les noms en poussière
sur la longue liste du feu
Nous parlons du jardin
de sa montre perdue
nous parlons de la terre à retourner
pour les arbres
du sable gardé par les fusils
Nous parlons encore d'un vieux bateau
La vitesse de l'amour
nous fait passer de la tour au puits
et le centre soudain devient un homme
qui soutient le vide en lui donnant
un nouveau nom
Poésie publique, poésie clandestine : poèmes 1975-2005. - Le Castor astral, 2006. - 213 p.
Serge Pey
Né en 1950. Parmi ses autres recueils : J'eux (Multiples, 1974) ; Minute hurlée (Mexico : éditions 34, 1978) ; De la ville et du fleuve (Tribu, 1981) ; Prophéties (Tribu, 1983) ; La définition de l'aigle (J. Bremond, 1987) ; Poème pour un peuple mort (Sixtus, 1989) ; La mère du cercle (Travers, 1994) ; Interrogatoire : poème pour les assassins de Tahar Djaout (CIPM, 1994) ; L'enfant archéologue (J. Brémond, 1997) ; La langue des chiens (Paris-Méditerranée, 2001) ; Visages de l'échelle de la chaise et du feu (Dumerchez, 2003) ; Extrait du chemin (Trames, 2004) ; La direction de la grèle (Dumerchez, 2005) ; La bouche est une oreille qui voit : anthologie (J-M. Place, 2006) ; Principes élementaires de philosophie directe (Dumerchez, 2006) ; ...
Voir également : son site web (liens colonne de gauche).
A lire : Serge Pey : la bouche est une oreille qui voit : exercice d'admiration / Arlette Albert-Birot. - Jean-Michel Place, 2006. - 122 p.
Ainsi qu'un livre d'entretiens avec Thierry Renard (cf. Poesiemaintenant, 20 janvier 2008) : La main et le couteau (Parole d'Aube, 1997).
09:40 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poésie