02/06/2015
Gilbert Baqué (2)
Message
J'ai des anciens laboureurs les mains noires
et la vêture simple
Je suis capable désormais
de me parer d'indifférence
A des milliers de souvenances de la mer
la ville où je suis né peut m'abreuver de ses poisons
J'ai l'âge de vieillir
Je vous laisse mon nom.
Fin provisoire. - éd. Délit, 2008. - 114 p.
J'inscris en marge du quotidien ce rêve de parc
Avec le vent qui s'y déchausse de ses sandales
Et le sexe d'une clairière ouvert au plein mois d'août
Je fraternise du désarroi de mon âge avec les herbes dévorantes des pelouses
Jusqu'à souffrir les innombrables raisons de vivre qui chantent
Dans le discours des abeilles et les batailles des arbres
Présence hors les barrières fraîches du jour
Hors le tambour des places
Je réinvente une mémoire
Proche ou lointaine
Mais sage de la sagesse des cours d'amour.
Le temps à perdre. - éd. Pierre Jean Oswald, 1970. - 46 p.
La mer
Elle est l'étoile la plus proche.
Elle ne sait pas qu'on la regarde,
Qu'on se découvre devant elle.
Les jeunes filles s'en enveloppent comme d'un drap, jusqu'au frisson de leurs épaules.
Le ciel n'en est que plus bleu,
La ville plus lointaine.
Quand le soleil retrouve les collines,
Que le chœur des baigneuses se tait,
la mer, tout doucement, reprend sa place.
Soleils. - éd. de La Renaissance, 1996. - 60 p.
L'Anti-Requiem
Vous qui lirez un jour dans La Dépêche de Toulouse
En page nécrologique l'annonce de ma mort
N'essayez pas de deviner quel visage se cache
Sous le masque banal d'un nom d'un prénom
parmi d'autres
Descendez dans la rue
Saint-Rome de préférence
Mêlez-vous à la foule interrogez tous les regards
Accueillez d'un sourire l'indifférence des filles
La morgue des garçons la solitude des vieillards
Vous me verrez présent dans leurs gestes
leurs cris leurs rires
Leurs larmes leurs appels secrets
leurs silencieux naufrages
Car je reste vivant en eux comme une part d'eux-mêmes
Car on ne meurt jamais tout à fait d'avoir ardemment
Vécu fraternellement vécu simple passager
De ce voyage où chacun attend
le prochain arrêt.
Ressacs. - éd. N & B, 2002. - 62 p.
Gilbert Baqué
(1935 - 9 avril 2015). Recueils : Révélations (éd. de La Revue moderne, 1959) ; Le temps à perdre (éd. Pierre-Jean Oswald, 1970) ; Désorient (éd. Tribu, 1982) ; L'instant suprême (éd. Le Pâtre, 1990) ; Soleils (éd. de La Renaissance, 1996) ; Ressacs (éd. N & B, 2002) ; Fin provisoire (éd. Délit, 2008).
Déjà invité dans Poésiemaintenant le 6 novembre 2007.
Pour en savoir plus, ce bel hommage de Michel Baglin, autre Toulousain :
http://revue-texture.fr/poete-et-jazzman.html
18:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie
22/05/2015
Claude Ber
Pas de secret derrière la porte
hors les gonds qui grincent un peu
juste un frisson de baguette sourcière
sur le frottement de la langue à
prononcer et à
lécher
- lécher des bouts de chair on fait cela d'aimer laper comme les bêtes -
et le sursaut brutal parfois mordre ou n'importe qui
incruste
dans la viande vivre
dans sa durée la parole
lippe tendue vers la mer langue longue
ses tranches de bleu en gâteau d'éternité
* * * * *
le ciel diminué de brume hausse la ville
plus haut que lui et la mer s'humanise d'un bruitage d'organes greffé à son immensité
ses souffles, ses raclements de gorge, ses tapotements enjoués autorisent de vivre un instant à l'abri dans l'univers
son entour invisible les yeux le logent en eux
à proportion de lui et à disproportion de nous
à notre juste place
de rebonds d'une balle
dans son hasard
Épître Langue Louve. - éd. de L'Amandier, 2015. - 112 p.
Claude Ber
Née en 1948. Parmi ses autres recueils : Lieu des épars (éd. Gallimard, 1979) ; Sinon la transparence (éd. de L'Amandier, 1996 et 2008) ; La mort n'est jamais comme (éd. Léo Scheer, 2003, éd. de L'Amandier, 2011) ; Plus rien ne pense aux restes (éd. L'Act Men, 2006) ; Orphée Market (éd. de L'Amandier, 2005) ; La prima donna suivi de L'auteurdutexte (éd. de L'Amandier, 2006) ; Vues de vaches (éd. de L'Amourier, 2009) ; L'inachevé de soi (éd. de L'Amandier, 2010) ; Aux dires de l'écrit (éd. Le Chèvre Feuille Étoilée, 2012) ; Monologue du preneur de son pour sept figures (éd. de L'Amandier, 2013).
23:35 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie
24/03/2015
Michel Hardy
La murène est souveraine de son univers aquatique ; elle loge dans les anfractuosités sombres et glauques que tapisse la gorgone filigranées et frangent le corail rouge et l'anémone chatoyante. La murène aime son confort et n'extirpe la plupart du temps son corps sinueux de l'antre qui l'abrite qu'à moitié, comme s'il s'y trouvait quelque poêle auprès duquel elle continue de se chauffer les reins tout en observant le va-et-vient des autres créatures de l'onde. On l'imaginerait volontiers sous les traits d'une prostituée d'Amsterdam, n'exhibant que ce qui est nécessaire dans l'exiguïté de son cabinet vitré et ondulant en permanence pour attirer le miché. Malgré la certitude immédiate du danger représenté par les dents acérées qui garnissent son sourire paradoxal, les plongeurs aiment s'approcher de la murène pour tenter de caresser sa cuirasse niellée de bluettes.
* * *
Ma sœur, mon erreur,
Au regard voilé d'un haïk couleur de cendre,
Aux pieds chaussés de mules de cuir de ténèbres sonnantes,
Quand me laisseras-tu oublier ?
Ma sœur, ma peur,
A la voix coiffée d'une guimpe couleur de muraille,
Aux mains gantées de mitaines de dentelle blanche absente,
Quand me laisseras-tu dormir ?
Ma sœur, ma douleur,
Aux lèvres ceintes d'un baiser couleur de sang,
Au ventre sanglé de désir de panthère des neiges fondantes,
Quand me laisseras-tu mourir ?
Je ne m'appelle pas (Michel Hardy) :
extraits des carnets de Chaïm Dreyl, 1929-1936.
- éd. Voix d'encre, 2007. - (env. 100 p.)
Michel Hardy
... ou Chaïm Dreyl ou bien Elie McRydha ou encore Rhàil McHedy... Comment s'appelle-t-il ? S'appelle-t-il ? Qui est-il ? Quand est-il ? Est-il ?
Je l'ignore. D'aucuns prétendent qu'il serait né en 1955.
Autres recueils signés Michel Hardy : Un risque de chaos (éd. Voix d'encre, 2002) ; Douzaines (éd. Librairie-Galerie Racine, 2005).
06:31 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie