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17/01/2016

Bernard Montini

 

Et tous ces mots qui manquent de salive

Pour étayer leurs nuits concaves

Venus de nulle part

Ils ont le goût sonore

D'un ailleurs démâté

La flamboyance inconnue

D'une parole à venir.

 

* * * * *

 

Ils remontent l'eau du puits

Regardent s'épuiser les cirrus

Adossés à l'anse

L'air est si doux

Ils scrutent leurs paumes ravinées

Détournent la tête

Vers des senteurs de thym

Puis ne bougent plus

Le visage noyé au-dessus de leur seau

Ignorant

Qu'ils viennent d'inventer les larmes

 

* * * * *

 

Un silence d'âme

Guette avec acuité

Ce bruit chiffonné

Des corps déchus

Le froissement de chaque solitude

Est l'histoire du monde  -  pensent-ils

En mangeant leur figue

Sous l'ombre du figuier.

 

 

Corps et âmes. - éd. Le Bruit des autres, 2010. - 126 p.

 

 

Bernard Montini

Né en 1946. Parmi ses autres recueils : Juste avant la neige (éd. Saint-Germain-des-Près, 1993) ; La petite sirène de Copenhague (éd. Le Bruit des autres, 1994) ; Ombres en portées (éd. Le Bruit des autres, 1995) ; Profils perdus d'un colporteur (éd. Le Bruit des autres, 1996) ; Halages (éd. Le Bruit des autres, 1997) ; Cardiogrammes (éd. Le Bruit des autres, 1999) ; Dans les gerçures du temps (avec "L'étreinte des oiseaux" de Gabriel Lalonde, éd. Le Bruit des autres, 2001) ; Si un jour ou Le livre des reconnaissances (éd. Le Bruit des autres, 2003) ; La vie funambule (Couleur livres, 2013).

 

 

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06/01/2016

Emmanuelle Sordet

 

Les enfants morts

 

 

Les enfants morts restent assis au bord des lits

La nuit. 

 

Ils lisent 

Leurs pieds pendent dans le vide

Ils cherchent la chaussette qui manquait. 

 

Les enfants morts laissent leurs cahiers ouverts à la bonne page. 

 

Ils ne se coiffent pas. 

 

Ils récitent la liste des alignés

Dans le silence vivant

Personne ne les entend. 

 

Les enfants morts entendent les chiens qui glapissent

Ils restent assis au bord des lits. 

 

Les enfants morts ne font pas de bruit. 

 

Les enfants morts racontent des histoires aux bébés emmaillotés de gravats. 

Ils ratissent les arrière-cours. 

Leurs pieds pendent dans le vide. 

 

Les enfants morts donnent leurs yeux au mur

Et n'hésitent plus

Sur la photographie. 

 

Ils sont dans les arbres au-dessus des soldats. 

Ils cherchent leurs lunettes.

 

Les enfants morts visitent les prisons. 

 

Les enfants morts ornent les dispensaires

Ils restent assis au bord des lits. 

 

Les enfants morts dallent la Méditerranée
Ni mère
Ni suaire. 

 

 

In : revue ARPA, n° 114, octobre 2015, p. 57.

 

 

Emmanuelle Sordet

Née en 1971. Première publication : trois poèmes dans le 114ème numéro de la revue Arpa (octobre 2015). Ont suivi : publications dans le 6ème et le 8ème numéros de la revue Place de la Sorbonne (mars 2016 et mai 2018), la revue numérique Recours au Poème (juin 2016) et le site de la revue Décharge ( https://www.dechargelarevue.com/Un-inedit-d-Emmanuelle-Sordet.html ). Elles seront probablement suivies de beaucoup d'autres.

Recueil à paraître début juin 2018 : Si jamais, éditions Au Pont 9 (Paris), préfacé par Pierre Dhainaut.

 

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31/12/2015

Cédric Le Penven

 

Dans le rouge de toutes les déchirures, mots

plantés dedans (couteaux dans la plaie, langue

projetée vers le gouffre, comme caméléon)

Guérir non merci et de toute façon le bonheur

me blesse aussi dans sa promesse de disparaître

bientôt avec les oiseaux migrateurs, avec les fruits

tombant sans qu'on les cueille, guérir non

je ne veux me départir de ce paquet de larmes

de ces dents acérées qui mordent sa hanche

ni de cette peau perméable aux autres et au monde

 

 

* * * * *

 

 

Parfois je me dis poète et cela me fait bien rire

ce gros mot pour expliquer, apprivoiser cet élan

cette manière d'habiter l'inhabitable d'une saison

de voir son visage dans les pierres trouées

non poète c'est une étiquette posée pour vendre

de la tripe de la colère délicieuse (le miracle du mot

qui extirpe et métamorphose les pays de la nuit

où l'amour et la mort s'embrassent goulûment)

 

 

* * * * *

 

 

Nuit de la pluie attendue

 

qu'exauce le désordre de ses cheveux

cherché et reconnu dans le labyrinthe des heures blanches

(demain nous agrandirons le verger, les fruits

de notre amour auront été épargnés par le gel)

 

 

 

poèmes initialement publiés

dans le 113ème n° de la revue Friches (mai 2013),

puis inclus dans le recueil

Nuit de peu. - éd. Tarabuste, 2015. - 112 p.

 

 

 

Cédric Le Penven

Né en 1980. Parmi ses autres recueils : Orage (éd. Éditinter, 2000) ; Elle, le givre (éd. Jacques Brémond, 2005, Prix Ilarie Voronca 2004) ; Île de Cythère, à l’aube (éd. Encres Vives, 2005) ; L’immobile serti de griffes (éd. Encres Vives, 2008) ; Menus travaux (éd. Tarabuste, 2009) ; Élégies barbares (éd. Rafaël de Surtis, 2010) ; Permettez que ma voix (éd. Contre-Allées, 2011) ; Adolescence Florentine (éd. Tarabuste, 2012) ; Bouche-suie (éd. Unes, 2015).

 
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08:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie