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11/03/2019

Marie-Claire Bancquart (2) : 1932-2019

 

ABSENCE

 

Un sourd qui essaierait de toucher la musique

S'interrogeant

Avec ses doigts

Sur la courbe des notes

 

L'absence coeur déteint

 

La table même a l'air fragile

Dans les rêves vient une horloge

Qui broute le brouillard

 

Inhabitable

Le corps où dépareille

Un sang que l'on croyait jumeau d'un autre

 

On aimerait tuer l'espace.

 

 

Cherche-terre. - éd. Saint-Germain-des-Prés, 1977. - 99 p.

 

* * * * *

 

 

CRUE



La peau. Frappe à la peau, aime ses marques.

Entre par la plus mince porte. Explore.

 

La vie est crue. De grands oiseaux la mangent

sous les épines du soleil.

 

Travaille-toi. Sépare

les fibres de tes fibres, baratte son sang

dans des incantations. Fais-toi proche des sèves.

 

Touffe de rêves, cellule en ruche,

tu n'es rien que ce pli et repli de circulation ramassée.

 

 

Énigmatiques. - Obsidiane, 1995. - 60 p. 

(Prix Supervielle)

* * * * *

 

 

De loin en arrière

vient une autre image : un homme effleuré, sans histoire,

l'espèce homme, avec son étonnement de naître.

Les fougères hantent les ramures

de cerfs ombrageux.

 

Leur odeur embue

l'âme glaciale des miroirs

le soir, quand fond notre chronologie.

 

 

La vie, lieu-dit. - éd. Obsidiane et éd. du Noroît, 1997. - 92 p.

 

 

* * * * *

 

 

L'arbre : on sait que dans le sang, on possède un peu de son vert.

 

Rituel d'emportement - Obsidiane, 2002. - 336 p.

 

 

Marie-Claire Bancquart

(1932-2019). Également romancière, essayiste, universitaire. Parmi ses nombreux recueils de poèmes : Mais (éd. Vodène, 1969) ; Projets alternés (éd. Rougerie, 1972) ; Mains dissoutes (éd. Rougerie, 1975) ; Mémoire d'abolie (éd. Belfond, 1978) ; Habiter le sel (éd. Pierre Dalle Nogare, 1979) ; Partition (éd. Belfond, 1981) ; Votre visage jusqu'à l'os (éd. Temps actuel, 1983) ; Opéra des limites (éd. José Corti, 1988) ; Végétales (éd. Les Cahiers du Confluent, 1988) ; Sans lieu, sinon l'attente (éd. Obsidiane, 1991) ; Énigmatiques (éd. Obsidiane, 1995, Prix Supervielle) ; La vie, Lieu-dit (éd. Obsidiane-Noroît, 1997) ; Rituel d'emportement : poèmes 1969-2001 : anthologie personnelle (éd. Obsidiane, 2002) ; Avec la mort, quartier d'orange entre les dents (éd. Obsidiane, 2005) ; Verticale du secret (éd. L'Amourier, 2007) ; Terre énergumène (éd. Le Castor Astral, 2009) ; Explorer l'incertain (éd. L'Amourier, 2010) ; Violente Vie (éd. Le Castor Astral, 2012) ; Tracé du vivant (éd. Arfuyen, 2016) ; Figures de la terre (éd. PHI, 2017) ; Terre énergumène précédé de Dans le feuilletage de la terre et de Verticale du secret, préface d'Aude Préta-de-Beaufort, Collection Poésie-Gallimard, n° 541, éd. Gallimard, 2019).

Déjà invitée dans Poésiemaintenant le 28 octobre 2006.

 

 

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22/02/2019

Michel Baglin (3)

 

Je rends grâce à des riens que la distance irise, une agate dans la poche,

un goût de coco imprégnant les jeudis, des souvenirs de cuisses rougies sur les rampes d'escaliers.

Aux robes à fleurs de ma mère légères dans le soleil du séjour, aux tablées d'amis des dimanches,

aux blagues de mon père et au tapis qu'on finissait toujours par rouler pour danser.

A l'appui rouillé de la fenêtre d'où je regardais Paris le soir

et d'où j'attendis un jour le camion des déménageurs sans parvenir tout à fait à croire

que l'éternité n'a qu'un temps.

 

* * * * *

 

Je rends grâce en somme à tout ce qu'on dénigre,

à la flânerie, à l'écoute, aux détours par le coeur,

au chien sur le chemin qui vous arrête et vous rappelle

que la caresse est la meilleure façon de recevoir le jour.

 

* * * * *

 

Ne jamais rendre grâce qu'à ce qui vivifie, amplifie, féconde

l'humaine contradiction de perdre

et de prendre pied tout à la fois.


Rendre grâce à ce qui titube, vacille même

en nous à certaines heures du jour ou de la nuit, 

à l'ivresse de se sentir soudain là, suspendus, vertigineusement là,

éperdus, perdus, submergés dans le maelström,

le trou noir de la présence,

saoulés d'un vin

qui ne console pas.

 

L'alcool des vents. - éd. Rhubarbe, 2019

(1e éd. 2010). - 106 p.

 

Michel Baglin

Né en 1950. Parmi ses recueils :  Déambulatoire (éd. Chambelland, 1974) ; Masques nus (éd. Chambelland, 1976) ; L'ordinaire (éd. Traces, 1977) ; Jour et nuit (éd. Le Pavé, 1985) ; Quête du poème (éd. Texture, 1986) ; Les mains nues (l'Age d'Homme, 1988, préface de Jérôme Garcin, Prix Max-Pol Fouchet) ; L'obscur vertige des vivants (éd. Le Dé bleu, 1994) ; L'alcool des vents (Le Cherche-Midi, 2004, rééd. Rhubarbe, 2010 et 2019) ; Les chants du regard : sur des photographies de Jean Dieuzaide (Privat, 2006) ; Les pages tournées (éd. Fondamente / Multiples, 2007) ; De chair et de mots (éd. le Castor astral, 2012) ; Un présent qui s'absente (éd. Bruno Doucey, 2013).

Également romancier : Lignes de fuite (éd. Arcantère, 1989) ; Un sang d'encre (éd. N & B, 2001).

nouvelliste : Le Ghetto des squares (éd. Soc et foc, 1985) ; Ruptures (éd. Texture, 1986) ; La part du Diable (éd. Le Bruit des autres, 2013).

et essayiste : Poésie et pesanteur (éd. Atelier du Gué, 1984 et 1992) ; François de Cornière (éd. Atelier du Gué, 1984) ; La perte du réel : des écrans entre le monde et nous (éd. N & B, 1998) ; Lettres d'un athée à un ami croyant (éd. Henry, 2017).

A créé et animé pendant une décennie la revue Texture. Anime actuellement le très complet site Texture (lien ci-contre, colonne de gauche).

Déjà présent dans Poésiemaintenant le 18 octobre 2006 et le 28 février 2014.

 

 

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30/04/2018

Bernadette Engel-Roux (2)

 

Le printemps leur fait croire à la paix et à la guérison des rages. Les mains des femmes ont fait le pain. Les mains des hommes ont roulé du tabac. Des enfants jouent, et leurs chemises sont les buissons en fleurs de ces pentes dénudées.

Sous les arbres, les enfants de la guerre poussent la balançoire où depuis toujours leur peur oscille avec leur joie.

 

 * * * * *

 

Tant de mains inépuisables, toutes à apprendre aux mains guerrières la douceur d'épeler sur une pierre gravée les lettres et les mots d'anciens combats, d'anciens royaumes en leurs frontières, d'anciens printemps sur l'Ararat, la douceur d'épeler auprès d'un autre enfant encore enfant les signes anciens d'une fraternité.

 

  * * * * *

 

Un homme, une femme, debout dans la nuit du monde, renversent la tête et regardent le ciel de toutes leurs questions, étrangement légères, étoiles devenues, si haut montées que le cœur s'en soulève. A cette heure où plus rien n'est à faire pour que le souffle se mesure à la nuit, leurs mains rendues s'ouvrent, et la distance, par-dessus les montagnes légères et noires, les mers lourdes et noires, la distance les comble.

Orion décline, car c'est le même ciel dans cette nuit d'avril qui tend sa toile à ces deux-là. L'Ararat tient ouvert son beau livre de neige.

 

 

Ararat. - éd. Cheyne, 1996. - 58 p. - Prix Louis Guillaume 1996.

 

 

 

Bernadette Engel-Roux

Née en 1952. Parmi ses autres recueils : Plateaux du songe (éd. Cheyne, 1992) ; L'orage (éd. Babel, 1994) ; A contre-pentes (éd. L'Arrière-Pays, 1998) ; Le Soust (éd. Le Laquet, 2000) ; Brasier (éd. Babel, 2003) ; Aux lèvres des péris (éd. L'Arbre à paroles, 2004) ; Nocturne (éd. de Corlevour, 2005) ; Une visitation (éd. L'Arrière-Pays, 2005, Prix Louise Labé 2007) ; Demeure de mélancolie (éd. La Pierre d'alun, 2007) ; Hauts sont les monts (éd. de Corlevour, 2008) ; Aubes (éd. Le Bois d'Orion, 2011) ; Homme marchant dans l'image (éd. Le Grand Tétras, 2015) ; Ce vase plein de lait (éd. Voix d'encre, 2017) ; Instants incertains (éd. Le Bois d'Orion, 2017) ; Madeleine (éd La Pierre d'alun, 2017) ; Le bleu des lointains (éd. L'Atelier contemporain, 2017) ; Pierres gravées (éd. Le Verbe et l'Empreinte, 2017).

Précédente publication sur PoésieMaintenant le 5 juillet 2006.

 

 
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