Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/10/2011

Judith Pointejour

Anne ma soeur, Anne

 

Une femme de verre aux tombeaux étonnés

semant sapins et sources sur la matière bleue

d'un pays sans nom

creusant l'étroit passage qui abritera

ses songes de cendres

ses visages :

 

Une petite fille à la peau d'hyène

 

Une femme-pendule qui fait briller

les ventres noirs des caveaux

 

Mon enfant malade du coeur qui

habite la flamme bleue du givre

et l'âge d'or des os dévorés par pitié

par habitude

 

Toutes

droites sous la poussière, Anne ma soeur, Anne

le regard des morts irrigue toujours pages et cités

et moi qui passe

mon sang n'a plus

la danse sauvage d'une rivière de Kamouraska

mes avidités se suivent et se ressemblent

mais l'île demeure l'espace

où se jouent les murs et les langues

Les cris jaune pâle des fous de Bassan

me vieillissent de mille ans

et à chaque résistance

l'ondulation

de chacun de leurs vols

bénit la terre

et bâtit le temple

de la Fascination.

 à Anne Hébert

 

In : L'anthologie Terre de femmes :

150 ans de poésie féminine en Haïti,

Éditions Bruno Doucey, 2010, 290 pages.

 

 

 

Judith Pointejour

Les racines et le parcours de Judith Pointejour sont un démenti giflé à la face de tous les tenants d'une dérisoire "identité nationale" et d'on ne sait quel "droit du sang" : née en 1969 à Chicago d'un père afro-américain et d'une mère haïtienne, elle choisit d'écrire en français et publie ses premiers poèmes à Québec dans la revue Brèves Littéraires. Elle habite, splendidement, la langue française.