30/04/2008
Aimé Césaire
Prophétie
là où l'aventure garde les yeux clairs
là où les femmes rayonnent de langage
là où la mort est belle dans la main comme un oiseau saison de lait
là ou le souterrain cueille de sa propre génuflexion un luxe de prunelles plus violent que des chenilles
là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois
là où la nuit vigoureuse saigne une merveille de purs végétaux
là où les abeilles des étoiles piquent le ciel d'une ruche plus ardente que la nuit
là où le bruit de mes talons remplit l'espace et lève à rebours la face du temps
là où l'arc-en-ciel de ma parole est chargé d'unir demain à l'espoir et l'infant à la reine,
d'avoir injurié mes maîtres mordu les soldats du sultan
d'avoir gémi dans le désert
d'avoir crié vers mes gardiens
d'avoir supplié les chacals et les hyènes pasteurs de caravanes
je regarde
la fumée se précipite en cheval sauvage sur le devant de la scène ourle un instant la lave de sa fragile queue de paon puis se déchirant la chemise s'ouvre d'un coup la poitrine et je la regarde en îles britanniques en îlots en rochers déchiquetés se fondre peu à peu dans la mer lucide de l'air
où baignent prophétiques
ma gueule
ma révolte
mon nom.
Les armes miraculeuses. - Gallimard, 1979.
- 158 p. - (Collection Poésie ; 59).
Aimé Césaire
(1913 - 2008) Parmi ses autres recueils : Cahier d'un retour au pays natal (1945 et 1956) ; Soleil cou coupé (K, 1948) ; Corps perdu (Fragance, 1949) ; Ferrements (Seuil, 1959, rééd. 2008, collection Points) ; Cadastre (Seuil, 1961, rééd. 2006) ; Moi, laminaire (Seuil, 1982, rééd. 2006).
Théâtre : La tragédie du roi Christophe (Présence Africaine, 1963) ; Une saison au Congo (Seuil, 1967, rééd. 2001) ; Une tempête (Seuil, 1969, rééd. 1997).
Également : Discours sur le colonialisme (suivi de) Discours sur la Négritude (Présence Africaine, 2004).
22:20 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poésie, poésies, poème, poèmes
02/04/2008
Ophélie Jaësan
Dorsales
Quelle incroyance tout de même
avec la culbute des paupières...
Savoir que tout s'écoule,
le vent comme le sable, et que les doigts même
apprennent à disparaître.
La bouteille débouchée - l'odeur
d'une vieille lettre dont le papier
s'est auréolé d'espérance.
Écrire c'est croire.
Main tendue, paume ouverte.
Mon tendre suaire clouté de mots.
On l'accroche au mât - un drapeau.
Tandis que sur les rives opposées,
nous nous adressons des baisers
de noyés, l'ennui m'étouffe.
Manque de salinité. Nos dorsales assoupies.
La mer remblayée par le fracas des hommes.
- Cheyne, 2007. - 58 p.
Poème repris dans l'anthologie L'Année poétique 2008
120 poètes, 97 revues, 66 éditeurs,
des sites internet, des adresses,
choix de Patrice Delbourg, Jean-Luc Maxence
et Florence Trocmé ; avant-propos de Bruno Doucey.
Ophélie Jaësan
Née en 1978. Un roman : Le pouvoir des écorces (Actes Sud, 2008). Une pièce de théâtre : Née trouée, non publiée, représentée à Avignon en juillet 2006.
Pour en savoir plus : http://www.jaesan.net/index.html
05:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, poésies, poème, poèmes