Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/10/2019

Chantal Dupuy-Dunier (4)

 

Au fur et à mesure que nous montons,

la végétation se raréfie.

Fougères, bruyères et genêts remplacent la forêt.

Le poème abandonne tout caractère urbain,

pourrait redevenir sauvage,

poème d'avant le poème.

 

Quel but pour l'itinéraire scriptural ?

Voyager à même les lignes

                                 ou dérailler ?

 

Déplacer sans cesse le lieu du poème,

bousculer le texte,

l'empêcher de se fixer,

le priver de toute sécurité sédentaire.

 

 

* * * * *

 

 

Un train glisse

                 jusqu'à la mère,

jusqu'à son enfance et la mienne.

 

La rouille anticipe la couleur du sable.

 

(Au soir,

des pêcheurs feront sécher leurs filets

aux montants des wagons, sur quelque voie de garage,

et leur nuit sera bleue de poissons endormis.)

 

 

* * * * *

 

Toutes les vaches parlent sans doute
la même langue,
les arbres aussi
lorsque le vent leur donne la parole.

 

* * * * *

 

Corbeaux écrivant sur fond d'arbres nus

les quatre lettres qu'ils connaissent.

 

Troncs de bouleaux qui défilent derrière la fenêtre,

bûchettes blanches.

A l'école maternelle,

on composait des dessins avec,

naïves maisons, girafe ou chat,

un train.

 

 

 

 

 

Déjà invitée dans Poésiemaintenant les 12 mai 2006, 11 novembre 2007 et 21 janvier 2009.

 

What do you want to do ?
New mail

19/01/2013

Gérard Bocholier (2)

 

Elle a surgi la nuit

Sans armes toute en ondes

Fluantes d'eau de suie

 

Nous allons nous coucher

En elle le silence

Tirera sur nos ombres

Ses draps de feu mouillé

 

Comme pour notre mort

Aux bras creusés d'amante

 

* * *

 

Le bras qui menait la musique

A saisi la taille des morts

Les a fait tourner à sa guise

Des relents bruns et des racines

Aux douleurs mauves sans sommeil

 

Toute la symphonie du monde

Toutes les étreintes du ciel

Pour tant de chair bleuie de nerfs

Brisés d'yeux fous et de désastres

Au fond des crânes abîmés

 

Tout ce vent s'échappant du sas

Et ses plaintes nues de forêt

 

 * * *

 

Fidèle en peu de choses

Ce soir je reviendrai

Plus pauvre que les songes

Vendangés sous la chair

 

Le coteau sera rouge

Et rose comme en mai

La poigne de la mort

Verrouillant les mâchoires

 

Plus seul que l'arbre au bord

Du fleuve des ténèbres

Le linge et son empreinte

Oubliés dans la fosse

 

Belles saisons obscures. - éd. Arfuyen, 2012. - 120 pages.

 

* * * * * *

 

Tu m'appelles par mon nom

Tous les jours tu me soulèves

D'un souffle d'un pur passage

D'aile de lueur d'avril

 

J'attends ton dernier appel

Qui traversera mes ombres

Ta pluie qui rajeunira

Ma vie d'une eau éternelle

 

* * *

 

Du sang sur les clous des fibres

De chair collées aux échardes

Le coeur et les terres vides

A peine un fantôme d'arbre

 

Qui sait voir pourtant remarque

Un soulèvement des tertres

La lumière sur l'étable

Ta croix comme un incendie

 

* * *

 

Tes mains au couchant viendront

Tirer le drap sur ma face

L'ombre comblera le livre

Resté ouvert sur la table

 

Les étourneaux dans la vigne

Se tairont Soudain l'archange

Tiendra la balance égale

De la faute et du pardon

 

Psaumes de l'espérance. - éd. Ad Solem, 2012. - 110 pages.

 

Gérard Bocholier

Né en 1947. Parmi ses autres recueils : L'ordre du silence (éd. Chambelland, 1975) ; Le vent et l'homme (éd. Rougerie, 1976) ; Chemin de guet (éd. Subervie, 1979) ; Poussière ardente (éd. Rougerie, 1987) ; Secret des lieux (éd. Rougerie, 1990) ; Terre prochaine (éd. Rougerie, 1992) ; Un chardon de bleu pur (éd. La Table rase, 1992) ; Le village et les ombres (éd. L'Arbre, 1998) ; Chants de Lazare (éd. L'Arrière-Pays, 1998) ; Lueurs de fin (éd. Rougerie, 2000) ; La veille (éd. L'Estocade, 2000) ; Du feu jeté (éd. L'Arrière-Pays, 2004) ; Le démuni (éd. Tarabuste, 2004) ; La venue (éd. Arfuyen, 2006) ; Jour au-delà (éd. Rougerie, 2006) ; Abîmes cachés (éd. L'Arrière-Pays, 2010) ; Psaumes du bel amour (éd. Ad Solem, 2010).

Poésie pour la jeunesse : Terre de ciel (éd. Cheyne, 1985) ; Si petite planète (éd. Cheyne, 1989) ; Poèmes du petit bonheur (Hachette, Livre de poche, 1992).

Études critiques : Pierre Reverdy, le phare obscur (éd. Champ Vallon, 1984) ; Les ombrages fabuleux (éd. L'Escampette, 2003).

Déjà présent dans Poésiemaintenant, le 10 mai 2006.

12:33 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèmes, poésie

14/10/2012

Eve Lerner

 

En ce temps-là,

l'appel de la rivière se faisait trop pressant

et la forêt trop verte et les enfants

 

envoyés dans les champs de mine

laissaient un trou

comme une lance dans la poitrine.

 

Les hommes avaient le Moyen-Age dans la tête

et du reptilien dans les gonades :

dès que je leur disais une parcelle de vrai

 

ou que je leur offrais une facette de ma vision

ils clignaient des yeux sous la lumière

puis s'agitaient de pulsions meurtrières.

 

Les femmes étaient encore exclues

de la course spatiale même si elles connaissaient

leurs galaxies, leurs nébuleuses à la perfection.

 

En ce temps-là,

seuls les riches pouvaient jouir

des subtilités de la démocratie occidentale.

 

En ce temps-là

j'étais pauvre

et je jouissais de mon âme.

 

 

Le monde tel que je l'ai laissé.

- éd. L'Autre Rive, 2010. - 96 p.

 

 

Eve Lerner

Née en 1949. Parmi ses autres recueils : L'autre rive : The Other Shore (éd. Mama Press international, 1985) ; A capella : je vous dirai mon rêve (éd. L'Autre rive, 2005) ; J'aimerais (éd. Mona Kerloff, 2006) ; Singularités (éd. L'Autre Rive, 2009) ; Le chant vient de plus loin que l'homme (éd. L'Autre Rive, 2010) ; Les états du silence (Atelier de Groutel / éd. J. Renou, 2012).

A préfacé La brûlure des mots, recueil de Jean-Paul Kermarrec paru en 2006 aux éditions de L'Arbre à Paroles (Amay, Belgique).

Collaboratrice régulière de la revue Hopala !http://www.hopala.asso.fr/

Pour en savoir plus : le dossier Eve Lerner du 17ème numéro (2011) de la revue Spered Gouez / L'Esprit sauvage (Carhaix).