31/12/2015
Cédric Le Penven
Dans le rouge de toutes les déchirures, mots
plantés dedans (couteaux dans la plaie, langue
projetée vers le gouffre, comme caméléon)
Guérir non merci et de toute façon le bonheur
me blesse aussi dans sa promesse de disparaître
bientôt avec les oiseaux migrateurs, avec les fruits
tombant sans qu'on les cueille, guérir non
je ne veux me départir de ce paquet de larmes
de ces dents acérées qui mordent sa hanche
ni de cette peau perméable aux autres et au monde
* * * * *
Parfois je me dis poète et cela me fait bien rire
ce gros mot pour expliquer, apprivoiser cet élan
cette manière d'habiter l'inhabitable d'une saison
de voir son visage dans les pierres trouées
non poète c'est une étiquette posée pour vendre
de la tripe de la colère délicieuse (le miracle du mot
qui extirpe et métamorphose les pays de la nuit
où l'amour et la mort s'embrassent goulûment)
* * * * *
Nuit de la pluie attendue
qu'exauce le désordre de ses cheveux
cherché et reconnu dans le labyrinthe des heures blanches
(demain nous agrandirons le verger, les fruits
de notre amour auront été épargnés par le gel)
poèmes initialement publiés
dans le 113ème n° de la revue Friches (mai 2013),
puis inclus dans le recueil
Nuit de peu. - éd. Tarabuste, 2015. - 112 p.
Cédric Le Penven
Né en 1980. Parmi ses autres recueils : Orage (éd. Éditinter, 2000) ; Elle, le givre (éd. Jacques Brémond, 2005, Prix Ilarie Voronca 2004) ; Île de Cythère, à l’aube (éd. Encres Vives, 2005) ; L’immobile serti de griffes (éd. Encres Vives, 2008) ; Menus travaux (éd. Tarabuste, 2009) ; Élégies barbares (éd. Rafaël de Surtis, 2010) ; Permettez que ma voix (éd. Contre-Allées, 2011) ; Adolescence Florentine (éd. Tarabuste, 2012) ; Bouche-suie (éd. Unes, 2015).
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24/12/2015
Mireille Fargier-Caruso (2)
Bien sûr l’indigence du dire mais
Perdure vive l'odeur de prune
Et dans l'oreille le claquement régulier
De la corde à sauter frappant le sol
Bruit de clé ouvrant l'enfance
C'est le matin
* * * * *
Ici et là la vie se glisse avec ses bruits d'eau
La goutte rouge du géranium perçant la pénombre
Coquillages vestiges lumineux du mois d'août
Livre abandonné sur la table
Semences qui tentent d'ébrouer l'insomnie
Un chant scandé par-dessus la pluie
Réponses toujours inappropriées
Ce qui reste de la beauté
Une éclaircie
Quelle échappée ?
* * * * *
Diminuer lentement
Amarré à tous les silences
Frayeurs à cisailler
l'une après l'autre
Pour pouvoir faire alliance
Et que naisse le fruit
Usé le ciel se renverse
Perché sur la gouttière
Prêt à tomber
Une pierre
Au fond d'un puits
* * * * *
Dans le jeu des éclats de bonheur
A la femme reconnue choisie aimée
Elle vole son sourire son prénom sa démarche
Elle est l'autre
Se colorie les ongles en rouge avec la craie
Aussi dans ses rêves lorsqu'elle se perd de vue
Très tôt il est question
De se perdre de vue
Un lent dépaysage. - éd. Bruno Doucey, 2015. - 86 p.
Mireille Fargier-Caruso
Née en 1946. Parmi ses autres recueils : Entre les points et la parole (éd. Le Cherche-Midi, 1981) ; Limites (éd. Le Pont de l'épée, 1984) ; Visage à édifier (éd. Le Méridien, 1988) ; Contre-ciel (éd. Le Pré de l'âge, 1990) ; Séquences au loin (éd. Poésimage, 1991) ; Heures d'été ou l'envers de l'ombre (éd. Arclettres, 1991) ; Blues notes (éd. Le Pré de l'Age, 1992) ; Lettre à L. (éd. Froissart, 1993) ; Même la nuit, persiennes ouvertes (éd. le Dé bleu, 1989) ; Dimanche, je vous aime (éd. Pré carré, 2001) ; Silence à vif (éd. Paupières de terre, 2004) ; Rendez-vous Septembre (bilingue français-grec, collages de Christos Makridakis, éd. Transignum, 2004) ; Ces gestes en écho (éd. Paupières de terre, 2006) ; Le don des arbres (peintures de Sarah Wiame, éd. Céphéides, 2007) ; Un peu de jour aux lèvres (éd. Paupières de terre, 2010).
Déjà invitée dans Poésiemaintenant le 1er mars 2008.
00:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie
17/12/2015
Pierre Dhainaut (2)
Reverrions-nous les jardins et les plages,
nous ne quitterions pas nos chambres,
l'aube d'été ne nous aidera pas, ni les poèmes
où nous avons cru oublier la mort ;
Ce mot ne sert qu'à mesurer combien
la gorge est aride. Mais spontanément,
qu'un prénom resurgisse, il nous déborde,
il tient lieu de parole à l'affection, ici même,
au passage, l'arbre s'incarne avec la vague
pour dénouer les voix qui expriment
une absence, qui ont foi malgré nous
en la furtive éternité du face-à-face,
nous respirons ensemble.
* * * * *
Si aiguë, l'écoute nocturne, en expansion : pour ne pas s'égarer, les poèmes du matin, du bon matin, la réengendrent.
* * * * *
Variantes, ébauches, ce que l'on désigne abusivement par ce nom d' "oeuvre" n'a pas réussi à les unifier. De déception en déception, de renaissance en renaissance, une oeuvre n'est légitime que si une même question la renouvelle : qu'est-ce qui la relie à toutes les autres ?
Voix entre voix. - éd. L'Herbe qui tremble, 2015. - 56 p.
Pierre Dhainaut
Né en 1935. Parmi ses autres publications : Le poème commencé (éd. Mercure de France, 1969) ; Dans la lumière inachevée (éd. Mercure de France, 1996) ; Paroles dans l'approche (éd. L'Arrière-Pays, 1997) ; A travers les commencements (éd. Paroles d'Aube, 1999) ; Introduction au large (éd. Arfuyen, 2001) ; Entrées en échange (éd. Arfuyen, 2005) ; Au-dehors, le secret (éd. Voix d'encre, 2005) ; Pluriel d'alliance (éd. L'Arrière-Pays, 2005) ; Dans la main du poème (éd. Écrits du Nord, 2007) ; Levée d'empreintes (éd. Arfuyen, 2008) ; Sur le vif prodigue (éd. des Vanneaux, 2008) ; Plus loin dans l'inachevé (éd. Arfuyen, 2010) ; La nuit, la nuit entière (éd. AEncrages & Cie, 2011) ; Vocation de l'esquisse (éd. La Dame d'onze heures, 2011) ; La parole qui vient en nos paroles (éd. L'Herbe qui tremble, 2013) ; Rudiments de lumière (éd. Arfuyen, 2013) ; De jour comme de nuit (avec Mathieu Hilfiger, éd. Le Bateau fantôme, 2014) ; L'autre nom du vent (éd. L'Herbe qui tremble, 2014) ; Progrès d'une éclaircie (éd. Faï fioc, 2014) ; Gratitude augurale (éd. Le Loup dans la véranda, 2015).
Déjà invité dans Poésiemaintenant le 21 juin 2006.
17:50 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie