07/04/2009
Hubert Haddad
Je suis le plus jeune enfant que la terre ait porté. En vérité je ne sais pas si je suis né encore. Chaque heure qui passe me laisse sans souffle et prêt à hurler comme le nouveau-né jeté dans le grand jour. Ah ! ne vous fiez pas à vos barbes et vos rides. Sous les paupières et près du nombril la peau est fine, fine comme celle du nourrisson. Vous êtes vous-mêmes de tout petits enfants, si petits malgré vos grands chapeaux et vos airs de savants. Il ne suffit pas de dire des mots définitifs sur le sens du monde pour que le monde se réduise à la leçon des jours. Levez un instant vos fronts bas vers le ciel. Ah ! vous n'êtes pas nés encore. Poussières, poussières dans l'oeil vide d'un dieu. Je suis le plus jeune enfant que la terre ait porté. En vérité je ne sais pas parler encore. Mes yeux sont deux pierres tout au fond de mon crâne et mon esprit plissé de foetus contient comme une éponge toutes les eaux noires du rêve.
Oxyde de réduction. - Dumerchez, 2007.
- 102 p. - (collection Double Hache).
Hubert Haddad
Né à Tunis en 1947, il grandit (?) à Paris, où il vit toujours. Auteur d'une cinquantaine d'ouvrages (poésie, romans, théâtre, nouvelles, aphorismes, essais sur l'art, la danse contemporaine et la littérature), peintre et illustrateur. Parmi ses autres recueils : Le charnier déductif (Debresse, 1969) ; Clair venin du temps (Dumerchez, 1992) ; Crânes et jardins (Dumerchez, 1992) ; Les larmes d'Héraclite (Encrages, 1996) ; Le testament de Narcisse (Dumerchez, 1997) ; Une rumeur d'immortalité (Dumerchez, 2000) ; Le regard et l'obstacle (Rencontres, 2001) ; Petits sortilèges des amants (Zulma, 2001).
A signaler également : Julien Gracq, la forme d'une vie (Castor astral, 1986 et Zulma, 2004) ; ainsi que les deux volumes du Nouveau magasin d'écriture (Zulma, 2006 et 2007).
Un autre extrait d'Oxyde de réduction figure dans L'Année poétique 2009 (éditions Seghers).
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20/11/2008
Michèle Finck (2)
Mies de pierre
Août rouge en robe de papillons et de pierres ferrugineuses,
Secouant sa chevelure électrique de châtaigners et de fayards,
Déployant ses élytres de ronces,
Nous porte sur son dos et boit le temps.
Exsudation de quartz dans la torsion des schistes.
Plissements torrides de grès et de marnes lie de vin.
Concrétion de lumière sur les lèvres.
Salive de mémoire, cigales.
Nous sortons de leurs gousses le grenat, l'andésite rose,
Le mica noir, pour les semer dans les bouches.
Le torrent a goût d'azur macéré en terre.
Nuages, moelles de l'âme.
Couchés dans les genets, nous mangeons la pulpe
Du soleil et réparons les ailes des mots.
Nous parlons bas à l'oreille du ciel
Et des pétales d'enfance tombent de la langue.
Dans la bergerie en pierres de taille suspendue aux oiseaux,
La lune pond des oeufs de rires,
Que des chercheurs de contes ramasseront avec des chapeaux de neige.
L'ouïe éblouie / gouaches de Coline Bruges-Renard.
- Voix d'encre, 2007. - 179 p.
Michèle Finck
Née en 1960, enseignante à l'Université de Strasbourg, spécialiste d'Yves Bonnefoy et de Claude Vigée, dont elle a préfacé les oeuvres complètes parues aux éditions Galaade en 2008.
Si L'ouïe éblouie est son premier recueil, il rassemble des poèmes parus depuis vingt ans dans de nombreuses revues (Arpa, ...) Parmi ses autres publications : un essai, Poésie moderne et musique : vorrei e non vorrei : essai de poétique du son (H. Champion, 2004) ; un scénario, celui du film de Laury Granier, La momie à mi-mots (1996), dansé par Carolyn Carlson et interprété par Philippe Léotard ; et un disque, Le piano à quatre mains (Udnie-Lorimage, 2003).
A lire sur L'ouïe éblouie : Musique charnelle, un article de Jean-Yves Masson, dans "Le Magazine littéraire" de novembre 2007 (p. 72).
Déjà invitée dans Poésiemaintenant, le 19 décembre 2006.
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21/10/2008
Jean-Yves Masson (2)
LXIV
Je fus au bord du vaste abîme, devant moi
s'étageaient de hautes montagnes, pareilles aux vagues de la mer.
C'était la fin du jour ; des millions d'astres s'allumèrent
juste au dessus de moi. Proche et lointaine dans le rêve,
une pluie d'étoiles filantes commença. Je regardais
leur chute sans retour, leur joie de flammes éphémères
tombant sans bruit dans le néant. Dans l'arbre gris près de la source
chantait l'oiseau de la sagesse : "Une seule fois chaque chose,
un seul destin en toutes choses. Un seul monde. Une seule loi."
Neuvains du sommeil et de la sagesse. - Cheyne, 2007.
- 111 p. - (Prix Max Jacob 2007).
Jean-Yves Masson
Né en 1962. Parmi ses autres recueils : Offrandes (Voix d'encre, 1995) ; Onzains de la nuit et du désir (Cheyne, 1995 et 1999, Prix Roger Kowalski) ; Poèmes du festin céleste (L'Escampette, 2002).
Également romancier (L'Isolement, Verdier, 1996) ; nouvelliste (Ultimes vérités sur la mort du nageur, Verdier, 2007) ; essayiste (Don Juan et le refus de la dette, en collaboration avec Sarah Kofman, Galilée, 1990 ; Le Chemin de ronde : carnets, Voix d'encre, 2004 ; Hofmannsthal : renoncement et métamorphose, Verdier, 2006) ; traducteur de l'allemand (Rilke, Hofmannsthal, Schnitzler, Georg Heym, ...) , de l'anglais (Yeats), et de l'italien (Italo Svevo, Mario Luzi, Roberto Mussapi, Leonardo Sinisgalli, Anna Banti, ...) ; directeur de la collection de littératures germaniques Der Doppelgänger aux éditions Verdier ; librettiste d'opéra (Salammbô, 1998).
Pour en savoir plus : http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-masson.html http://pretexte.club.fr/revue/entretiens/entretiens-traducteurs/entretiens/jean-yves-masson.htm
http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=14263
http://www.postskript.com/ecrivains/entretien-avec-jean-yves-masson.html
http://www.crlc.paris4.sorbonne.fr/pages/persos/pr-masson.html
Déjà présent dans Poesiemaintenant, à la date du 30 avril 2006.
23:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies