31/07/2008
Catherine Lalonde
je passerai toutes nuits
sur le rebord de ta pensée
à regarder ma main fondre
à la chaleur de ton crâne
plus d'
accusations dans les index plus d'
arthrite dans la cassure au pouce
les os redeviennent vieux plancton de légende
mes ongles disparaîtront en dernier
sans histoires
je m'endormirai manchot je me réveillerai cul-de-jatte
tu seras
parti sur la pointe des pieds l'idée
de mes jambes encore nouée à ta nuque
et dans la rue
et dans le metro
et sur ton chantier rouillé
le reste de mon corps nidifié sous les draps
Corps étranger / préface de Nancy Huston.
- Québec Amérique, 2008. - 123 p.
Catherine Lalonde
Née au Canada en 1974. Parmi ses autres recueils : Jeux de brumes : vertiges (Le Loup de gouttière, 1991) ; Cassandre (Québec Amérique, 2005).
14:27 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies, littérature
27/07/2008
Vincent Wahl
Arbre gêné par la logique
Je suis le fils d'un chasseur-cueilleur du Kalahari
se régalant d'insectes
d'un habitant néolithique des marais
pêcheur de carrelets
mis à cuire enveloppés de feuilles
sous la cendre
d'une vendeuse d'empanadas en feuille roussie de bananier
brûlantes
derrière le marché d'oaxaca,
odeurs du cacao fraîchement moulu
que l'on mélange à volonté
de cannelle et d'amandes
le fils d'un éleveur d'onagres
d'un bûcheron piégeant les ours
avec des coins à fendre les grumes.
Je suis en somme le descendant quadrumane
de mes propres yeux écarquillés
le long du stipe d'un palmier à sucre
au bord de la Sé-kong
fils de ma convoitise
Et comme Caleb à l'est d'Eden,
ma mère est un cuisinier chinois
me nourrissant de chou saumuré,
par la Mère à peine donnée
aussitôt retirée,
mais l'autre, la vraie
à modeler de mes meilleures phalanges
langue, liant, mère des choix
de l'éveil
acceptant que se déchirent
les langes.
Il faut imaginer :
un petit garçon sur la grand-place de Wissembourg
compte à voix haute les morceaux de sucre
d'un paquet déficelé
compte en français
langue sévèrement interdite
de Reichsland.
Il faut imaginer la ruée mate
des coiffes noires
le message essoufflé de la voisine :
Katharina, Catherine,
ton fils compte les sucres en français.
Il faut s'imaginer descendre
en langue prohibée
de l'arbre à sucre.
Oeil ventriloque : rumines un. - Rhubarbe, 2008. - 87 p.
Vincent Wahl
Né en 1957. Autres recueils : Communauté des parlants (Cylibris, 2002) ; Tous les râteliers : rumines deux (Rhubarbe, 2009).
05:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies, littérature
23/07/2008
Nicole Brossard
Nuque 11
je suis comme ça se prononce
langue ou guerre ou précoce
tantôt tournée vers le Nord
ses adjectifs de glace et d'actualité
tantôt phrase lancée libre
dans la lumière des rapprochements
je redeviens un morceau de temps
enfoncé dans notre espèce
Ardeur. - Phi, 2008. - 120 p.
Nicole Brossard
Née à Montréal en 1943. Parmi ses autres recueils : Installations (Castor Astral, 1989) ; Musée de l'os et de l'eau (Cadex, 1999) ; Au présent des veines (Phi, 1999) ; Je m'en vais à Trieste (Phi, 2007) ; D'aube et de civilisation : poèmes 1965-2003 (Typo, 2008).
Également romancière, essayiste et anthologiste.
05:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies, littérature