01/12/2007
Linda Maria Baros
Le masque à gaz
Jusqu'à toi,
les tailleurs de marches s'écroulent par endroits
regardant au loin vers l'horizon
jusqu'à toi.
Engouffrés et mous dans la cage visqueuse de l'escalier.
Les couvertures des portes, jusqu'à toi,
- des peaux de veau, déchirées
par les broches des sangliers.
En terre aromatisée (kieselguhr), ton oeil sauvage,
ta bouche de mercure.
Jusqu'à toi, il y a le coin de la rue
où dorment immobiles, dans un nuage de cristal,
ceux qui n'ont ni maisons, ni dieux.
Comme à travers la bouche ternie d'un canal,
à travers leurs vêtements troués,
les regarde Celui d'en haut, avec une pitié infinie.
Jusqu'à toi, il y a le grand boulevard,
au-dessous duquel pend
à de longs crochets d'acier,
comme un masque à gaz,
le scalp des jours passés.
Et la mitrailleuse avec laquelle tu tires longuement.
Les balles bourdonnent, la caravane ne vient pas.
Jusqu'à toi - les paroles dites. Le faux pas.
Tu tires à travers les fenêtres sur toi.
La maison en lames de rasoir / préface de Patricia Castex Menier.
- Cheyne éditeur, 2006. - 77 p. - Prix Apollinaire 2007.
Linda Maria Baros
Née en 1981 à Bucarest. Quatre recueils de poèmes, dont deux en français, parmi lesquels : Le livre de signes et d'ombres (Cheyne, 2004).
Traductrice d'une vingtaine de livres, en roumain et en français. Organisatrice du festival Le Printemps des poètes en Roumanie.
12:20 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies, littérature, francophonie, roumanie