07/02/2010
Pierre Oster
Une timidité hardie devant la gloire de la maison ouverte... D'une gloire aussi présente, nos inscriptions ne témoignent pas. Orgueil des chants que nous tentons.
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Bien placer les mots les uns contre les autres. Bien les unir. L'art avec l'éthique entre en résonance.
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Je t'envoie une supplique sans objet - elle n'est adressée à personne. Voici que le détail t'en semble exact ; que ma foi t'y est sensible. Quelqu'un déclare que nos secrets se révèleront imbriqués.
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L'équilibre accru que je prône reconnait les constellations intimes, modes de recherche et d'appréhension. Il ne pratique aucun choix, ne repousse rien.
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Un nombre toujours plus pur dans un système voluptueux de systèmes accentuels nouveaux. Rejet - rejet non accidentel - et acceptation des régularités qui fascinent l'enfantine oreille syllabique. Pas de mètres, sinon des mètres sauvages. Réitérées, les dissymétries ne se répètent pas.
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Continuation du sacré par d'autres moyens. Rien que nous ne devions étreindre.
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L'art organisateur et réfléchi nous rend le droit de privilégier le souci fraternel, la conquête morale. Nous ne pouvons plus ne pas éprouver les valeurs.
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Une esquisse m'affronte à l'humanité; une métaphore naissante, dans la pluie brownienne des particules de la langue, s'allume près de ma lampe.
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Autant que les combats, les phénomènes de rapprochement et d'amour méritent d'être scrutés. Sublime du tenon, de la mortaise.
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Rejoue une à une les chances de chaque vers ; traduis les ruines du langage.
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Prosodie du murmure. Prosodie des idées. Alternance de secrètes prosodies dans un discours compatible avec la durée. Use d'une rapidité décisive, d'une décisive lenteur !
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Brides, débris, j'ai besoin de vous. le caillou me sert de pierre angulaire. Avec un fêtu, je fonde en réalité l'acte insurpassable de l'âme. Intéressé à construire, la fuite me corromprait.
Requêtes
Suivi de : Pour un art poétique : ébauches.
- Le Temps qu'il fait, 1992. - 80 p.
Pierre Oster
Né en 1933. A également signé Pierre Oster Soussouev. Parmi ses autres recueils : Le champ de mai (Gallimard, 1955) ; Solitude de la lumière (Gallimard, 1957) ; Un nom toujours nouveau (Gallimard, 1960) ; La grande année (Gallimard, 1964) ; Les dieux (Gallimard, 1970) ; Pratique de l'éloge (La Baconnière, 1977) ; Cérémonial de la réalité (Triangle, 1981) ; L'hiver s'amenuise (Ulysse fin de siècle, 1990) ; L'ordre du mouvement (Babel, 1991) ; Alchimie de la lenteur (Babel, 1997) ; Paysage du Tout : 1951-2000 (Gallimard, Collection Poésie, 2000).
Sur Pierre Oster, lire notamment : La mesure et le flux / Bernadette Engel-Roux (Babel, 1994) et Pierre Oster, poétique et poésie : actes du colloque du Centre de recherches sur la poésie contemporaine, mai 1992 (Publications de l'Université de Pau, 1994).
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03/02/2010
Judith Chavanne
Lente descente d'une feuille
depuis le sommet du vent,
longtemps sa chute
dans le temps, qui n'a pas de suite,
il est vertical
comme un sommeil de plomb :
un homme paît son heure
s'y enfonce, obscurément,
il se tait, assis, dans le demi-jour,
il a renoncé sans mal
à l'avenir de ses paroles ;
peu à peu la feuille tombe, chute
presque audiblement
en son écoute.
Un seul bruissement
(suivi de : Les aînés, ceux qui les suivent).
- Le Bois d'Orion, 2009. - 139 p.
Judith Chavanne
Née en 1967. Parmi ses autres recueils : Entre le silence et l'arbre (Gallimard, 1996, Prix de la Vocation, Prix Louise Labé) ; La douce aumône (Empreintes, 2002) ; Le don de solitude (L'Arrière-Pays, 2003). Un essai : Philippe Jaccottet, une poétique de l'ouverture (Seli Arslan, 2003).
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30/01/2010
Bruno Doucey (2)
HAÏTI, 2010
en hommage à Georges Anglade et son épouse,
morts à Port-au-Prince ce 13 janvier 2010.
Je pars pour un voyage que nous ne ferons pas
Dans l’entrée ma valise humait le vent du large
En elle bien rangés linge, cadeaux et livres
Écoutaient sagement les pulsations du cœur
Qui partait vous rejoindre
Et vous nous attendiez
Comme la nappe sans un pli attend la fête
Où tinteront les verres de nos aînés rieurs
Mais la terre a tremblé
La terre s’est ouverte, des cisailles d’acier
Ont libéré le tigre qui dormait sous la roche
Son grognement de fauve a réveillé vos peurs
En soixante secondes le temps s’est effondré
Dans le fracas de l’ombre
Sa ruée de malheurs
Vos maisons dévastées
En soixante secondes
Sa huée de douleurs
Vos proches démembrés
La terre qui vous mange comme on mange la terre
Sous nos yeux sidérés des femmes et des enfants
Implorent le secours
Anéanti
On meurt à Port-au-Prince et l’on pleure à Paris
Port-au-Prince, douze janvier de l’an de casse
Deux mille dix
Pétionville, Cité-Soleil, Champ-de-Mars où les tap-taps sont détruits
Delmas, nuit d’effroi, dans l’entre chien et loup
Des morts et de la vie
Quand les ondes s’emparent de la transe vaudou
Votre île sous le vent promise à la déroute
Dans la baie de Jacmel où lézarde la route
D’une amitié conquise sur les terres arables
La maison du poète dévale à grand fracas
La pente du désastre
Et je suis là, valise en main
De l’autre côté de la mer, dans l’incendie des dépêches
Parti pour un voyage que je ne ferai pas
Sous la toile, d’autres que moi fouillent déjà
Les décombres de l’info
Émmelie, où êtes-vous, Gary et Marinio ?
Longues heures d’angoisse
Tellurique
Des gravats du silence nous retirons des noms
- Lolo, James et Dany, Kettly, Lyonel et Frank -
Comme des nourrissons soudain sauvés des eaux
Quand tant d’autres se noient aux portes de la terre
Mais nous sommes si loin
Dans le Bas-Peu de Choses de l’entraide
Par les rues dévastées de la compassion
Désarmés, incertains
Inaptes à soulager vos peines
Nous supplions les dieux de vous garder en vie
Nous implorons le vautour du malheur
D’interrompre son vol de colline en colline
Notre mère, bogue terrestre, viens reprendre l’enfant
Jeté sans retenue sur le parvis du monde
Concède-lui le temps de la douceur humaine
Le temps de l’eau, du pain et des fruits pour chacun
Mère terrestre, toi qui connais la lente érosion des jours par la nuit
Ne nous bouscule pas
Laisse nous rêver des séismes de la tendresse
Et fais monter le chant de mansuétude
Au plus haut de l’échelle trémière
Pour que naisse l’espoir de ton ventre meurtri.
(inédit, 14 janvier 2010)
Bruno Doucey
Né en 1961. Poète (Poèmes au secret, Le Nouvel Athanor, 2006), nouvelliste (La Cité de sable, Rhubarbe, 2007), romancier (Victor Jara, Federico Garcia Lorca, Actes Sud, 2009 et 2010), éditeur (R. Laffont, Seghers, ... et l'aventure continue !)
Déjà invité dans Poesiemaintenant le 17 février 2007.
11:25 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies, haïti