14/04/2009
Geneviève Roch
En pleine tête soudain, le coup claque raide. Sec
et cinglant. Une douleur aigüe s'insinue
jusqu'au profond de l'antre où tu te réfugies
dans ton obscurité et vous force à sortir, ton
attirail de pacotille et toi.
Ébahi tu chancelles mais tu ne tombes pas. Et
même tu te défends tant la surprise est grande.
Pied à pied pour commencer. Un nouveau coup
moins franc, plus méchant. Il te tord et t'abaisse.
Tu ploies. Courbé à toucher terre tu ne veux rien
céder, rien entendre et, cramponné à tes sécurités
dans le désert des apparences, tu organises ta défense.
Le coup suivant s'abat et te terrasse. L'ombre de
ta disparition passe sur toi. Révolte. On ne
disparaît pas ainsi sans raison. Tu te mets à
ramper au hasard des pistes, reniflant le sol.
Avec ton mal qui s'active, des jours et des jours
souffrant, désemparé, tu te traînes tel un vieux
crabe en dérive sur les chemins de nulle part.
De haute lutte. - Multiples, 2007.
- 37 p. - (Collection Fondamente ; 28).
Texte reproduit dans l'anthologie L'année poétique 2009 (Seghers, 2009. 360 p.)
Geneviève Roch
Née en 1935. Parmi ses autres recueils : L'absence escaladée (éd La Porte, 2005) ; Jardin alpin (éd. La Porte, 2008) ; Sans larmes (éd. Éclats d'encre, 2009) ; Aux frontières de l'enclos (Multiples, 2010). Nombreux poèmes publiés en revues : Arpa, Cahiers du Sens, Poésie/Première, ...
Également romancière : 55, rue du Quotidien (Le Temps des cerises, 2002) ; Le sac et vous (Le Temps des cerises, 2005) ; nouvelliste : Corde raide (Chèvre-feuille, 2005) ; peintre et essayiste : Regard de peintre ou Les couleurs de la nuit (Le Temps des cerises, 2006).
16:20 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poème, poèmes, poésie, poesies
07/04/2009
Hubert Haddad
Je suis le plus jeune enfant que la terre ait porté. En vérité je ne sais pas si je suis né encore. Chaque heure qui passe me laisse sans souffle et prêt à hurler comme le nouveau-né jeté dans le grand jour. Ah ! ne vous fiez pas à vos barbes et vos rides. Sous les paupières et près du nombril la peau est fine, fine comme celle du nourrisson. Vous êtes vous-mêmes de tout petits enfants, si petits malgré vos grands chapeaux et vos airs de savants. Il ne suffit pas de dire des mots définitifs sur le sens du monde pour que le monde se réduise à la leçon des jours. Levez un instant vos fronts bas vers le ciel. Ah ! vous n'êtes pas nés encore. Poussières, poussières dans l'oeil vide d'un dieu. Je suis le plus jeune enfant que la terre ait porté. En vérité je ne sais pas parler encore. Mes yeux sont deux pierres tout au fond de mon crâne et mon esprit plissé de foetus contient comme une éponge toutes les eaux noires du rêve.
Oxyde de réduction. - Dumerchez, 2007.
- 102 p. - (collection Double Hache).
Hubert Haddad
Né à Tunis en 1947, il grandit (?) à Paris, où il vit toujours. Auteur d'une cinquantaine d'ouvrages (poésie, romans, théâtre, nouvelles, aphorismes, essais sur l'art, la danse contemporaine et la littérature), peintre et illustrateur. Parmi ses autres recueils : Le charnier déductif (Debresse, 1969) ; Clair venin du temps (Dumerchez, 1992) ; Crânes et jardins (Dumerchez, 1992) ; Les larmes d'Héraclite (Encrages, 1996) ; Le testament de Narcisse (Dumerchez, 1997) ; Une rumeur d'immortalité (Dumerchez, 2000) ; Le regard et l'obstacle (Rencontres, 2001) ; Petits sortilèges des amants (Zulma, 2001).
A signaler également : Julien Gracq, la forme d'une vie (Castor astral, 1986 et Zulma, 2004) ; ainsi que les deux volumes du Nouveau magasin d'écriture (Zulma, 2006 et 2007).
Un autre extrait d'Oxyde de réduction figure dans L'Année poétique 2009 (éditions Seghers).
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20/11/2008
Michèle Finck (2)
Mies de pierre
Août rouge en robe de papillons et de pierres ferrugineuses,
Secouant sa chevelure électrique de châtaigners et de fayards,
Déployant ses élytres de ronces,
Nous porte sur son dos et boit le temps.
Exsudation de quartz dans la torsion des schistes.
Plissements torrides de grès et de marnes lie de vin.
Concrétion de lumière sur les lèvres.
Salive de mémoire, cigales.
Nous sortons de leurs gousses le grenat, l'andésite rose,
Le mica noir, pour les semer dans les bouches.
Le torrent a goût d'azur macéré en terre.
Nuages, moelles de l'âme.
Couchés dans les genets, nous mangeons la pulpe
Du soleil et réparons les ailes des mots.
Nous parlons bas à l'oreille du ciel
Et des pétales d'enfance tombent de la langue.
Dans la bergerie en pierres de taille suspendue aux oiseaux,
La lune pond des oeufs de rires,
Que des chercheurs de contes ramasseront avec des chapeaux de neige.
L'ouïe éblouie / gouaches de Coline Bruges-Renard.
- Voix d'encre, 2007. - 179 p.
Michèle Finck
Née en 1960, enseignante à l'Université de Strasbourg, spécialiste d'Yves Bonnefoy et de Claude Vigée, dont elle a préfacé les oeuvres complètes parues aux éditions Galaade en 2008.
Si L'ouïe éblouie est son premier recueil, il rassemble des poèmes parus depuis vingt ans dans de nombreuses revues (Arpa, ...) Parmi ses autres publications : un essai, Poésie moderne et musique : vorrei e non vorrei : essai de poétique du son (H. Champion, 2004) ; un scénario, celui du film de Laury Granier, La momie à mi-mots (1996), dansé par Carolyn Carlson et interprété par Philippe Léotard ; et un disque, Le piano à quatre mains (Udnie-Lorimage, 2003).
A lire sur L'ouïe éblouie : Musique charnelle, un article de Jean-Yves Masson, dans "Le Magazine littéraire" de novembre 2007 (p. 72).
Déjà invitée dans Poésiemaintenant, le 19 décembre 2006.
15:40 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies