08/12/2010
Béatrice Douvre (2)
L'outrepassante
Habiter la halte brève
La rive avant la traversée
La distance fascinée qui saigne
Et la pierre verte à l'anse des ponts
Dans la nuit sans fin du splendide amour
Porter sur l'ombre et la détruire
Nos voix de lave soudain belliqueuses
L'amont tremblé de nos tenailles
Il y a loin au ruisseau
Un seuil gelé qui brille
Un nid de pierre sur les tables
Et le pain rouge du marteau
La terre
Après la terre honora nos fureurs
O ses éclats de lampes brèves
Midis
Martelés de nos hâtes
Oeuvre poétique, peintures et dessins
/ préface de Philippe Jaccottet.
- Éditions Voix d'encre, 2000. - 200 pages.
Poème repris dans le dossier
"Béatrice Douvre, la passante du péril"
du 4ème numéro de la revue Linea (été 2005).
Béatrice Douvre (1967-1994).
Nous sommes de plus en plus nombreux à estimer qu'il s'agit là d'une des voix les plus hautes de la fin du siècle dernier.
Ses textes et poèmes ont notamment été publiés par les éditions de L'Arrière-Pays (1998) et Voix d'encre (2000), ainsi que par les revues Polyphonies, Arpa, Friches, Possible imaginaire, Midi, Linea, Les Cahiers de la Baule et Poésie Première.
Une édition complète et critique de ses œuvres, rassemblées par Jean-Yves Masson, pourrait paraître en 2011 aux éditions Galaade (Paris).
23:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : poème, poésie, poèmes, poésies
13/09/2010
Lettre ouverte aux poètes
Poétesses, Poètes,
J’en ai assez.
Vous me fatiguez.
J’en ai assez de recevoir des messages d’insulte parce que je n’ai pas reproduit sur Poesiemaintenant les textes que vous m’avez envoyés sans que je vous les aie demandés.
J’en ai assez de vos caprices de divas, de vos petits cris de bêtes blessées, de vos gémissements de princesses au petit pois, de vos éructations lorsque votre dernier chef d’œuvre n’a pas encore fait l’objet d’une note de lecture détaillée dans la revue à laquelle vous aviez fait l’honneur d’un service de presse mielleusement dédicacé. J'en ai assez de vos hurlements de rage lorsque vous vous apercevez que vous ne figurez pas dans telle ou telle anthologie (car bien sûr, votre premier réflexe a été de vous précipiter sur le sommaire pour y chercher votre nom).
Depuis trente ans que je vous fréquente, j’en ai assez, oui, j’en ai assez de vous. Je n’aurais jamais cru cela possible, lorsque, à 20 ans, je dévorais vos recueils, lorsque, enthousiaste mais désargenté, je m’endettais à m’abonner à toutes les revues qui me tombaient entre les mains, lorsque je relisais vos poèmes à m’en faire sauter les yeux, lorsque je les récitais à enrouer ma voix parmi mes très patients amis. Je ne savais pas, alors, qu’une formation en psychiatrie m’aurait été bien plus utile pour fréquenter certain(e)s d’entre vous.
J’en ai assez de vos sautes d’humeur, de votre flagornerie envers quiconque possède une once de pouvoir, de vos finasseries à la petite semaine, de votre misérable géopolitique, de vos picrocholins conflits.
J’en ai assez de ces Foires aux Vanités que sont devenus les mille et un « Marchés de la Poésie » de France et de Navarre, de Belgique wallonne et de Suisse romande, où l’on vous retrouve régulièrement, errant de stand en stand vos manuscrits à la main, ignorant superbement les recueils et revues étalés devant vous, sur ces tables que les éditeurs et revuistes ont mis tant de temps à installer.
J’en assez de vos querelles infinies au sujet d’une note de trois lignes à la 49ème page d’une revue publiée il y a six mois à 175 exemplaires.
Et, oui, j’en ai assez des sautes d’humeur de x, y, z …, de leurs compliments dithyrambiques suivis bien vite de récriminations et trop souvent de harcèlement.
Reste, heureusement, l’essentiel - l'essentielle : la poésie. « Cette émotion appelée poésie » disait (dit toujours) Reverdy. On la rencontre, quelquefois, au détour d’un poème, et peu importe alors qui a écrit ce poème. Elle m’a longtemps permis de vous supporter.
Plus maintenant.
Alors, maintenant, je ne veux plus connaître qu’elle.
Lire deux vers et laisser en soi résonner, longtemps, leur musique et leur mystère. Ne surtout pas chercher à rencontrer celui ou celle qui les a écrits. « Vouloir rencontrer un auteur dont on admire l’œuvre », murmurait Somerset Maugham, « c’est un peu comme, pour un amateur de foie gras, vouloir rencontrer l’oie. »
Poètes invivables, poètes indispensables. Vous êtes le sel de la Terre, vous êtes le chiendent du quotidien. Il faut vous fuir. Il faut vous lire.
Fidèlement,
malgré tout,
non à vous
mais à cette part d’essentiel que vous portez en vous,
et dont bien trop souvent vous n’êtes pas dignes,
Pierre Maubé.
Lundi 13 septembre 2010.
16:57 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (61) | Tags : poète, poètes, poésie, poésies, ras-le-bol, lettre ouverte
31/07/2010
Jean-Vincent Verdonnet
Dans la houle de ses herbages
tu regardes fuir la prairie
qui chaque jour t'emmène un peu
*
Encore un jour pour écouter
battre inquiet le coeur du monde
dans cette gorge minuscule
à la cime du peuplier
questionnant en vain l'immense
*
La barque et le lac font la sieste
Le ciel en équilibre instable
se déleste de sa clarté
*
La fumée emprunte au silence
la douceur de ses mélodies
Jamais lassé le ciel écoute
*
Infatigable petit merle
des plus anciens jours de l'enfance
tu es revenu enchanter
l'âme pensive du vieil homme
qu'un souffle fera frissonner
ou ce nuage
qui interroge
été ton ciel énigmatique
ne se confiant qu'aux fontaines
*
Jardin d'été du presbytère
Le vieux curé s'est assoupi
laissant son bréviaire aux abeilles
Publié dans le n° 98 de la revue ARPA (avril 2010).
http://www.arpa-poesie.fr/
Jean-Vincent Verdonnet
Né en 1923. Plus de trente recueils publiés depuis 1951, principalement aux éditions Rougerie et Voix d'encre.
Parmi ces recueils : A chaque pas prenant congé (Rougerie, 1992) ; Où s'anime une trace (4 volumes, Rougerie, 1994-1999) ; Petit Poucet devenu grand (La Porte, 2002) ; Droit d'asile (Voix d'encre, 2003) ; Ombre aux doigts de sourcier (Voix d'encre, 2005) ; Tourne manège : récit (la Fontaine de Siloë, 2006) ; Jours déchaux (Rougerie, 2007).
Pour en savoir plus :
Jean-Vincent Verdonnet : actes du colloque d'Angers et Rochefort-sur-Loire de septembre 1998 / Centre de recherches en littérature et linguistique de l'Anjou ; textes réunis par François Durand et Georges Cesbron (Presses de l'Université d'Angers, 1999).
Jean-Vincent Verdonnet : profil d'homme, regard de poète / Marie-Claire Enevoldsen-Bussat (Éditions de La Fontaine de Siloe, 1999).
Un poète dans la classe : Jean-Vincent Verdonnet / Jean-Yves Debreuille (Presses universitaires de Lyon ; IUFM de l'Académie de Lyon, 1998).
Jean-Vincent Verdonnet / Joseph-Paul Schneider et Serge Brindeau (Éditions Subervie, 1981).
17:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies