25/04/2010
Françoise Coulmin (2)
Je voudrais faire un poème
puissant
un poème de hurlement contre le cri
nu contre le dénuement
violent contre la violence
saccadé des dernières prostrations
sur une barque grillée de soleil
un poème d'esclave contre les nouveaux maîtres
et d'impuissance
contre toute nouvelle super puissance
de pauvreté contre la corruption
de gosse floué qui vieillit sans avenir
Un poème terrible
de peur de souffrance
et de soumission
qu'on écartèlerait
sur les murs et les barbelés de la honte
éventré comme un grabat ensanglanté
un poème insensible
comme une kalachnikov
et provoquant comme un paradis fiscal
un poème de désinformation
et d'abêtissement
de napalm et d'irradiation
contre tous les hypers religieux.
Un poème d'onguents et de baumes et de paroles
comme celles
murmurées à l'oreille des enfants
un poème humble
de grande dignité
qui manierait l'humour et le rire
et qui ne serait plus sur le qui-vive
clamant au vent comme une torchère
fou comme une danse de retrouvailles
et sans colère
Un jour je le ferai.
In : La Poésie est dans la rue : 101 poèmes protestataires pour aujourd'hui
/ rassemblés par Francis Combes. - Éditions Le Temps des Cerises, 2008. - 254 p.
Françoise Coulmin
Née, jour pour jour, cinquante ans après la mort de Rimbaud. Parmi ses recueils : Pour durer (Le Dé bleu / Les Écrits des Forges, Québec, 1993) ; Entrer rebelle en ère de deuil (La Bartavelle, 1997) ; Mais de ce qui se perd (L'Arbre à paroles, 1998) ; Tous les hommes sont des poètes : de A à Z à leur usage (Le Temps des Cerises, 2002) ; Le monde saigne devant toi (Le Temps des Cerises / Les Écrits des Forges, Québec, 2006).
A réuni deux anthologies : Et si le rouge n'existait pas (Le Temps des Cerises, 2009, 67 auteurs) ; Nous, la multitude (Le Temps des Cerises, 2010, 107 auteurs).
Également peintre et géographe (La société paysanne en bocage normand : luttes pour la terre, publié en 1979 avec son mari Pierre aux éditions Ocep).
Déjà présente dans Poesiemaintenant, le 14 octobre 2006.
19:16 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies, littérature engagée, poésie protestataire, révolte, colère
07/02/2010
Pierre Oster
Une timidité hardie devant la gloire de la maison ouverte... D'une gloire aussi présente, nos inscriptions ne témoignent pas. Orgueil des chants que nous tentons.
*
Bien placer les mots les uns contre les autres. Bien les unir. L'art avec l'éthique entre en résonance.
*
Je t'envoie une supplique sans objet - elle n'est adressée à personne. Voici que le détail t'en semble exact ; que ma foi t'y est sensible. Quelqu'un déclare que nos secrets se révèleront imbriqués.
*
L'équilibre accru que je prône reconnait les constellations intimes, modes de recherche et d'appréhension. Il ne pratique aucun choix, ne repousse rien.
*
Un nombre toujours plus pur dans un système voluptueux de systèmes accentuels nouveaux. Rejet - rejet non accidentel - et acceptation des régularités qui fascinent l'enfantine oreille syllabique. Pas de mètres, sinon des mètres sauvages. Réitérées, les dissymétries ne se répètent pas.
*
Continuation du sacré par d'autres moyens. Rien que nous ne devions étreindre.
*
L'art organisateur et réfléchi nous rend le droit de privilégier le souci fraternel, la conquête morale. Nous ne pouvons plus ne pas éprouver les valeurs.
*
Une esquisse m'affronte à l'humanité; une métaphore naissante, dans la pluie brownienne des particules de la langue, s'allume près de ma lampe.
*
Autant que les combats, les phénomènes de rapprochement et d'amour méritent d'être scrutés. Sublime du tenon, de la mortaise.
*
Rejoue une à une les chances de chaque vers ; traduis les ruines du langage.
*
Prosodie du murmure. Prosodie des idées. Alternance de secrètes prosodies dans un discours compatible avec la durée. Use d'une rapidité décisive, d'une décisive lenteur !
*
Brides, débris, j'ai besoin de vous. le caillou me sert de pierre angulaire. Avec un fêtu, je fonde en réalité l'acte insurpassable de l'âme. Intéressé à construire, la fuite me corromprait.
Requêtes
Suivi de : Pour un art poétique : ébauches.
- Le Temps qu'il fait, 1992. - 80 p.
Pierre Oster
Né en 1933. A également signé Pierre Oster Soussouev. Parmi ses autres recueils : Le champ de mai (Gallimard, 1955) ; Solitude de la lumière (Gallimard, 1957) ; Un nom toujours nouveau (Gallimard, 1960) ; La grande année (Gallimard, 1964) ; Les dieux (Gallimard, 1970) ; Pratique de l'éloge (La Baconnière, 1977) ; Cérémonial de la réalité (Triangle, 1981) ; L'hiver s'amenuise (Ulysse fin de siècle, 1990) ; L'ordre du mouvement (Babel, 1991) ; Alchimie de la lenteur (Babel, 1997) ; Paysage du Tout : 1951-2000 (Gallimard, Collection Poésie, 2000).
Sur Pierre Oster, lire notamment : La mesure et le flux / Bernadette Engel-Roux (Babel, 1994) et Pierre Oster, poétique et poésie : actes du colloque du Centre de recherches sur la poésie contemporaine, mai 1992 (Publications de l'Université de Pau, 1994).
05:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies
03/02/2010
Judith Chavanne
Lente descente d'une feuille
depuis le sommet du vent,
longtemps sa chute
dans le temps, qui n'a pas de suite,
il est vertical
comme un sommeil de plomb :
un homme paît son heure
s'y enfonce, obscurément,
il se tait, assis, dans le demi-jour,
il a renoncé sans mal
à l'avenir de ses paroles ;
peu à peu la feuille tombe, chute
presque audiblement
en son écoute.
Un seul bruissement
(suivi de : Les aînés, ceux qui les suivent).
- Le Bois d'Orion, 2009. - 139 p.
Judith Chavanne
Née en 1967. Parmi ses autres recueils : Entre le silence et l'arbre (Gallimard, 1996, Prix de la Vocation, Prix Louise Labé) ; La douce aumône (Empreintes, 2002) ; Le don de solitude (L'Arrière-Pays, 2003). Un essai : Philippe Jaccottet, une poétique de l'ouverture (Seli Arslan, 2003).
05:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies