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04/01/2008

Evelyne Morin (2)

 

Rage des mots

inarticulés

Aux vigiles ancestrales

les lunes impassibles

ont le visage de nos colères

dévastées

Que ne pleurent ces temps

qui nous enterrent

étonnés de vivre encore

Dansent les noyés sur les eaux

Explosent les fenêtres consacrées aux flammes

 

Les pas mènent à nos pas

Dans le mirage indéfini

des feux

Racines brülantes

de nos identités perdues

De nous ils parleront encore

nos noms

proférés

exhibés

En otage de nos corps

vagabonds

déchirant l'espace

vide de nous

là-bas

de l'autre côté des murs

flamboyants de l'absence

de nous

Ils n'existent plus

les mots dans la gorge

Clés de seuils perdus

Dans le cercle rouge

la peste des corps exposés à la vie

festoyant le destin des morts

 

Pleine lune une nuit d'hiver

Cette immobilité : un don peut-être de l'éternité au présent

 

 

Rouge à l'âme. - Potentille, 2007. - 22 p.

 

 

Evelyne Morin

 

Parmi ses autres recueils : Le cri de l'aube (P. J. Oswald, 1975) ; La défaillance des jours (Caractères, 1976) ; Miroirs (Caractères, 1978) ; Le jeu de moi (Caractères, 1985) ; La licorne du silence (Caractères, 1987) ; Rencontre occulte à mort perdue (La Bartavelle, 1991) ; Terre de mortes lunes (Table rase, 1993) ; La nuit d'Électre (La Bartavelle, 1996) ; Ombres, désirs (J. Brémond, 2000) ; Dernier train avant le jour (Dé bleu, 2001) ; N'arrêtez pas la terre ici (Polder, revue Décharge n° 119, 2003) ; Non lieu provisoire (Cadex, 2007) ; Un retour plus loin (J. Brémond, 2007) ; N'arrêtez pas la terre ici (Le Nouvel Athanor, 2007) ; Cela, fulguré (Gros Textes, 2007).

Déjà invitée sur Poésiemaintenant (le 28 mai 2006).

Evelyne Morin, en compagnie de Françoise Hàn, Brigitte Gyr et Jong N. Woo, a lu plusieurs extraits de ses (nombreux) derniers recueils le 11 janvier 2008, à la librairie La Lucarne des Écrivains (Paris 19e).

 

 

01/01/2008

Jean Rousselot

 

Je reviens sur mes dires

 

 

Telle une algue au gré de la Sorgue

Tel un nuage au gré du vent

Je reviens sur mes dires

D'humble ludion de la souffrance

 

Mourir est donc tout à fait

Nécessaire

Sinon il faudrait abolir

L'altérité

Dont nous séduisent les offenses

Ou que nous offensons d'amour

Et dissiper le vague fumet d'espoir

Qui circule dans les rues carbonisées

 

La poésie elle aussi doit disparaître

Ce n'est qu'une vipère déclarée légale

Par celui qu'elle mord.

 

 

Passible de... - Autres temps, 1999. - 93 p.

 

 

 

Jean Rousselot

 

(1913 - 2004)

Un des membres de " L'École de Rochefort ", aux côtés de René Guy Cadou, Michel Manoll, Luc Bérimont, Jean Bouhier, Marcel Béalu, Louis Guillaume, ...

Parmi ses très nombreux recueils : Les moyens d'existence : oeuvre poétique 1934-1974 (Seghers, 1976) ; Poèmes choisis : 1975-1996 (Rougerie, 1997) ; Proses (Multiples, 2002) ; Est resté ce qui l'a pu (Autres temps, 2002) ; Minimes (Les Deux-Siciles, 2003).

Également romancier, essayiste, nouvelliste, ...

A signaler : Jean Rousselot ou la volonté de mémoire / François Huglo. - Le Dé bleu, 1995.

Ainsi que : Jean Rousselot, poète du sang versé, du corps vibrant / Jean-Noël Guéno. - Revue Linea, n° 4, été 2005, pp. 83-92.

 

29/12/2007

Anne Stell

 

Homme

 

Homme aux yeux de colline ouverts sur la permanence des jours, ton regard abreuve les ruisseaux taris par le passage des bêtes sauvages.

Tu es la source du mot, incandescence de toute parole, lèvres ouvertes sur la persistance des saisons.

A même la pierre des rochers s'inscrivent les langues de l'univers.

Nul sentier n'ignore ta présence car tu perpétues la naissance même de l'être.

 

Homme de feu et de sang aux parcours d'hirondelles sous les fenêtres pourprées du jour, homme de hanches et d'étreintes aux contours incertains de la nuit, tu avances dans le ventre marécageux du fleuve.

A la courbure des joncs, tu mesures et démesures la vitesse du vent.

 

Tu dis les mots embusqués dans les taillis enténébrés. La musicalité de ton chant épelle des syllabes muettes. Tu respires à la césure du temps, au diapason de ta solitude, de notre solitude.

 

Homme de vent et de mémoire, les moulins déroulent l'espace de leurs ailes striées.

A l'approche des orages, tu lies les gerbes et les engranges pour les jours de famine, homme de plaines et de terres fertiles en blés.

 

Tu allumes des feux de silex aux margelles du soir pour dissuader les animaux nocturnes. La peur hante ton esprit et tu dors sur ta hache de pierre. Tes rêves sont pleins d'odeurs de chasse et de chiens sauvages que tu tentes d'aprivoiser.

 

La pluie et le vent n'arrêtent pas ton geste de durer.

 

Homme d'écoute tu fréquentes les temples secrets de ta mémoire. Les sorciers appellent la pluie sur les terres desséchées et les autels s'ornent de fleurs fragiles comme le grain du ciel.

Soudain l'éclaircie retrace les chemins anciens.

 

Tu parcours les sentiers ébréchés de sources fraîches où tu ravives ton corps assoiffé de clarté.

La nuit tombe sur toi si tu n'y prends garde et la forêt de secrets et de présages libère alors ces pouvoirs que tes ancêtres redoutaient.

 

Tu interroges les sorciers, les astres, tu sacrifies sur les autels certains des animaux que tu captures. La mort te guette à chaque pas et tu marches dans la conscience de durer.

 

Homme en lutte perpétuelle avec le néant.

Il suffit de ton regard acéré comme une lame tranchante.

 

Les animaux te craignent même ceux que tu apprivoises et enfermes dans des cages toujours trop étroites semblables à ces prisons où les êtres humains désertent le réel.

 

 

Publié dans le 6ème numéro

de la revue défunte Linea (été 2006).

 

 

Anne Stell

 

Née en 1947. Recueils : Interstices du temps, en collaboration (Les Herbiers d'images, 1997) ; L (Hélices, 2005).

Anime les soirées poétiques Territoires du poème (Paris 6e).