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29/12/2007

Anne Stell

 

Homme

 

Homme aux yeux de colline ouverts sur la permanence des jours, ton regard abreuve les ruisseaux taris par le passage des bêtes sauvages.

Tu es la source du mot, incandescence de toute parole, lèvres ouvertes sur la persistance des saisons.

A même la pierre des rochers s'inscrivent les langues de l'univers.

Nul sentier n'ignore ta présence car tu perpétues la naissance même de l'être.

 

Homme de feu et de sang aux parcours d'hirondelles sous les fenêtres pourprées du jour, homme de hanches et d'étreintes aux contours incertains de la nuit, tu avances dans le ventre marécageux du fleuve.

A la courbure des joncs, tu mesures et démesures la vitesse du vent.

 

Tu dis les mots embusqués dans les taillis enténébrés. La musicalité de ton chant épelle des syllabes muettes. Tu respires à la césure du temps, au diapason de ta solitude, de notre solitude.

 

Homme de vent et de mémoire, les moulins déroulent l'espace de leurs ailes striées.

A l'approche des orages, tu lies les gerbes et les engranges pour les jours de famine, homme de plaines et de terres fertiles en blés.

 

Tu allumes des feux de silex aux margelles du soir pour dissuader les animaux nocturnes. La peur hante ton esprit et tu dors sur ta hache de pierre. Tes rêves sont pleins d'odeurs de chasse et de chiens sauvages que tu tentes d'aprivoiser.

 

La pluie et le vent n'arrêtent pas ton geste de durer.

 

Homme d'écoute tu fréquentes les temples secrets de ta mémoire. Les sorciers appellent la pluie sur les terres desséchées et les autels s'ornent de fleurs fragiles comme le grain du ciel.

Soudain l'éclaircie retrace les chemins anciens.

 

Tu parcours les sentiers ébréchés de sources fraîches où tu ravives ton corps assoiffé de clarté.

La nuit tombe sur toi si tu n'y prends garde et la forêt de secrets et de présages libère alors ces pouvoirs que tes ancêtres redoutaient.

 

Tu interroges les sorciers, les astres, tu sacrifies sur les autels certains des animaux que tu captures. La mort te guette à chaque pas et tu marches dans la conscience de durer.

 

Homme en lutte perpétuelle avec le néant.

Il suffit de ton regard acéré comme une lame tranchante.

 

Les animaux te craignent même ceux que tu apprivoises et enfermes dans des cages toujours trop étroites semblables à ces prisons où les êtres humains désertent le réel.

 

 

Publié dans le 6ème numéro

de la revue défunte Linea (été 2006).

 

 

Anne Stell

 

Née en 1947. Recueils : Interstices du temps, en collaboration (Les Herbiers d'images, 1997) ; L (Hélices, 2005).

Anime les soirées poétiques Territoires du poème (Paris 6e).

 

Commentaires

VISION D'OFFRANDE

Le regard acéré ne lutte jamais
Contre le néant ou tout autre rêve
Il coule dans sa contemplation
La saveur fraîche
Des virginités sauvages
Fluide est la courbe de son regard
Qui ne connaît qu'illuminance
Et s'arrête là où il commence
Dans la grâce d'un geste délicat
Serti au doigt d'une femme

Écrit par : gmc | 29/12/2007

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