05/10/2007
Gwen Garnier-Duguy
Sainteté je marche vers toi
A Pauline
Le jour se lève. Je marche. Mon corps porte les traces séchées du continent européen. Ses peuples se dressent dans mes jambes. Les innombrables mains retournées à la terre courent sur mes épaules, me soutiennent, espèrent que je conduise les élans qu'elles me donnent vers la certitude. Je marche. Je parle l'ancien français. Je parle le latin. Ma langue sait le grec. Me voici traversé par la Loire. Me voici traversé par le Rhône. Par le Tigre et l'Euphrate et le Nil. Je marche. Ma mémoire se baigne dans l'eau du Jourdain. Je suis sur le qui vive. Mon refus de ne pas marcher comme un prince sur le fil sécurisant du rasoir connaît le doute. Le doute rentre en moi. L'horreur économique me donne des palpitations. La corruption dévore la prunelle de mes yeux. Je sais que je peux tuer. Mon regard s'accroche à la voile triangulaire et blanche qui pénètre l'horizon. Je marche. A chaque seconde, je pousse l'Icare à s'élancer dans le ciel de mon corps. Mes bras me sont poussés pour que j'embrasse l'extraordinaire vie. Je marche. Je crois en Dieu. Comment le nommer aujourd'hui ? J'écrase le doute sous la marche de mon pas ferme. Je suis la route que le phare de mon front m'indique. Le sang ruisselle par les pores de ma peau. Le sang fait un cercle parfait à travers les prairies de mon corps. Mon sang est rouge comme le ciel. Le ciel est accroché à mes épaules et flotte en cape dans mon élan. Je marche. Je donne un regard de compassion aux tricheurs qui tentent de cimenter mes oreilles. Aux chants mensongers, j'accepte de serrer les mains. Je marche. je marche dans le flux du monde. Je remplis mes muscles de l'énergie que m'injectent les plombeurs de vie. Je marche. J'emprunte les escaliers qui ont été abolis. Je respire la glorieuse musique des pyramides. Derrière mes pas, la floraison des arbres morts jaillit. Je marche, le regard fixe, vers la plus vaste constellation de mon ciel azuré. Je marche dans la pureté de sa musique qui m'élève. Sans aucun doute, voici la plus haute cime de mon espérance. Sainteté je marche vers toi.
Publié dans le n° 18 de la revue Supérieur inconnu
(printemps-été 2000).
Gwen Garnier-Duguy
Né en 1972. Poèmes publiés dans les revues Supérieur Inconnu, Sarrazine, La Sœur de l'Ange, POESIEDirecte. Collabore à de nombreuses revues et journaux en tant que critique littéraire, notamment la Revue des deux Mondes. A participé en 2003 au colloque consacré au poète Patrice de La Tour du Pin au Collège de France. Fasciné par la peinture et le monde des images, collabore au catalogue Auguste Chabaud publié par la Réunion des Musées Nationaux.
Un roman, Nox, en collaboration avec Néro, sur l'œuvre du peintre Roberto Mangù (éditions le Grand Souffle, 2006).
Pour en savoir plus, le site : http://verslaseine.hautetfort.com/ (lien ci-contre, colonne de gauche).
09:15 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : poème, poèmes, poésie, poésies, poéme en prose, prose poétique, mystique
Commentaires
GGD sera le Verlaine du XXIème siècle.
Écrit par : JG | 06/10/2007
D'UN ASSIS
L'ambition de marcher
Comme une réverbération de lune
Sur l'eau d'un étang de nuit
Orgueil de nuage qui croit
A la saveur du miroitement
Sans avoir osé assassiner
Tous les hommes de bien
Qui sortent de l'imaginaire
Pour peupler les exotismes plantureux
Des musées de nowhere
Écrit par : gmc | 06/10/2007
Ou plutôt le Péguy ?
Écrit par : Iskander | 22/06/2009
J'aimerais beaucoup avoir écrit :"Sainteté, je marche vers toi" de Gwen Garnier-Duguy. Certainement pas Verlaine, la spiritualité de Péguy. Tout simplement Gwen Garnier-Duguy que j'aimerais bien connaître mieux.
Robert Notenboom
Écrit par : Robert Notenboom | 03/11/2009
Merci cher Robert
garnierduguy@free.fr
Rencontrons nous
Écrit par : Gwen Garnier-Duguy | 03/11/2009
De moins en moins je ne vois de différence entre la spiritualité et la poésie.
Et Gwen Garnier-Duguy m'encourage dans ce chemin parfois difficile
Écrit par : Robert Notenboom | 24/02/2010
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