10/06/2015
Irène Gayraud
Le vent a soufflé.
Il fait danser les cendres âcres
Le feu au corps noir brûle toujours
parfois une main s'éboule
Le vent souffle.
Il est arrivé tout à coup
comme un inconnu dans une maison nocturne cogne un meuble
Grand bruit dans le silence
et l'on crie qui va là ?
* * * * *
L'air passe et repasse sur la carte
elle change d'échelle à chaque battement de cils
Aussi vite qu'un kaléidoscope
elle accroît et réduit les distances
incurve les lignes
surprend le regard
* * * * *
Les sons bougent aussi
Ils encerclent et bourdonnent à l'oreille
L'instant d'après
lointains
perdus
ils se défont
tournoient dans l'air indistinct
à distance de souffle, l'air . - éditions du Petit Pois, 2014. - 28 p.
Irène Gayraud
Née en 1984. A distance de souffle, l'air est son premier recueil. Un recueil de micro-récits poétiques, Voltes, doit paraître aux éditions Al-Manar en 2016.
Textes publiés dans plusieurs revues françaises : A Verse, Place de la Sorbonne, Sarrazine, Verso... et étrangères.
Musicienne, elle s'intéresse aux rapports entre musique et poésie (démarche qui rejoint celle de Michèle Finck) et collabore avec plusieurs compositeurs.
Traductrice de plusieurs poètes de langue allemande, espagnole et italienne (notamment Dino Campana).
Agrégée de Lettres modernes, Docteur en littérature comparée, enseigne en université.
Pour en savoir plus, son site, Pupilles d'encre : https://irenegayraud.wordpress.com/
(lien ci-contre)
18:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poème, poésie, poésie contemporaine
02/06/2015
Gilbert Baqué (2)
Message
J'ai des anciens laboureurs les mains noires
et la vêture simple
Je suis capable désormais
de me parer d'indifférence
A des milliers de souvenances de la mer
la ville où je suis né peut m'abreuver de ses poisons
J'ai l'âge de vieillir
Je vous laisse mon nom.
Fin provisoire. - éd. Délit, 2008. - 114 p.
J'inscris en marge du quotidien ce rêve de parc
Avec le vent qui s'y déchausse de ses sandales
Et le sexe d'une clairière ouvert au plein mois d'août
Je fraternise du désarroi de mon âge avec les herbes dévorantes des pelouses
Jusqu'à souffrir les innombrables raisons de vivre qui chantent
Dans le discours des abeilles et les batailles des arbres
Présence hors les barrières fraîches du jour
Hors le tambour des places
Je réinvente une mémoire
Proche ou lointaine
Mais sage de la sagesse des cours d'amour.
Le temps à perdre. - éd. Pierre Jean Oswald, 1970. - 46 p.
La mer
Elle est l'étoile la plus proche.
Elle ne sait pas qu'on la regarde,
Qu'on se découvre devant elle.
Les jeunes filles s'en enveloppent comme d'un drap, jusqu'au frisson de leurs épaules.
Le ciel n'en est que plus bleu,
La ville plus lointaine.
Quand le soleil retrouve les collines,
Que le chœur des baigneuses se tait,
la mer, tout doucement, reprend sa place.
Soleils. - éd. de La Renaissance, 1996. - 60 p.
L'Anti-Requiem
Vous qui lirez un jour dans La Dépêche de Toulouse
En page nécrologique l'annonce de ma mort
N'essayez pas de deviner quel visage se cache
Sous le masque banal d'un nom d'un prénom
parmi d'autres
Descendez dans la rue
Saint-Rome de préférence
Mêlez-vous à la foule interrogez tous les regards
Accueillez d'un sourire l'indifférence des filles
La morgue des garçons la solitude des vieillards
Vous me verrez présent dans leurs gestes
leurs cris leurs rires
Leurs larmes leurs appels secrets
leurs silencieux naufrages
Car je reste vivant en eux comme une part d'eux-mêmes
Car on ne meurt jamais tout à fait d'avoir ardemment
Vécu fraternellement vécu simple passager
De ce voyage où chacun attend
le prochain arrêt.
Ressacs. - éd. N & B, 2002. - 62 p.
Gilbert Baqué
(1935 - 9 avril 2015). Recueils : Révélations (éd. de La Revue moderne, 1959) ; Le temps à perdre (éd. Pierre-Jean Oswald, 1970) ; Désorient (éd. Tribu, 1982) ; L'instant suprême (éd. Le Pâtre, 1990) ; Soleils (éd. de La Renaissance, 1996) ; Ressacs (éd. N & B, 2002) ; Fin provisoire (éd. Délit, 2008).
Déjà invité dans Poésiemaintenant le 6 novembre 2007.
Pour en savoir plus, ce bel hommage de Michel Baglin, autre Toulousain :
http://revue-texture.fr/poete-et-jazzman.html
18:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie
22/05/2015
Claude Ber
Pas de secret derrière la porte
hors les gonds qui grincent un peu
juste un frisson de baguette sourcière
sur le frottement de la langue à
prononcer et à
lécher
- lécher des bouts de chair on fait cela d'aimer laper comme les bêtes -
et le sursaut brutal parfois mordre ou n'importe qui
incruste
dans la viande vivre
dans sa durée la parole
lippe tendue vers la mer langue longue
ses tranches de bleu en gâteau d'éternité
* * * * *
le ciel diminué de brume hausse la ville
plus haut que lui et la mer s'humanise d'un bruitage d'organes greffé à son immensité
ses souffles, ses raclements de gorge, ses tapotements enjoués autorisent de vivre un instant à l'abri dans l'univers
son entour invisible les yeux le logent en eux
à proportion de lui et à disproportion de nous
à notre juste place
de rebonds d'une balle
dans son hasard
Épître Langue Louve. - éd. de L'Amandier, 2015. - 112 p.
Claude Ber
Née en 1948. Parmi ses autres recueils : Lieu des épars (éd. Gallimard, 1979) ; Sinon la transparence (éd. de L'Amandier, 1996 et 2008) ; La mort n'est jamais comme (éd. Léo Scheer, 2003, éd. de L'Amandier, 2011) ; Plus rien ne pense aux restes (éd. L'Act Men, 2006) ; Orphée Market (éd. de L'Amandier, 2005) ; La prima donna suivi de L'auteurdutexte (éd. de L'Amandier, 2006) ; Vues de vaches (éd. de L'Amourier, 2009) ; L'inachevé de soi (éd. de L'Amandier, 2010) ; Aux dires de l'écrit (éd. Le Chèvre Feuille Étoilée, 2012) ; Monologue du preneur de son pour sept figures (éd. de L'Amandier, 2013).
23:35 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie