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18/04/2012

Luce Guilbaud (2)

 

maintenant c'est vivant

la décision d'aimer encore

il la dénude du regard

les vêtements tombent

le coeur fait mal sous le sein

toutes les mains débordent

de toutes les bouches et

renaître de cette dévoration.

 

   *

 

Danaë choisie   consent

coeur dans la bouche

avec la paume   et l'accord

de cette pluie d'or

les anneaux emmêlés

la chaleur lumineuse

de la nuit qui recouvre

le secret mal gardé.

 

   *


taureau même blanc

              même très doux

              j'aurais eu peur de lui

              il ne m'aurait pas enlevée sur son dos

cygne     je ne dis pas 

              son long col   ses caresses

              sa barque silencieuse

              parmi les herbes aquatiques

cygne     je crois

             qu'il m'aurait entraînée

             dans ses profondes neiges.


   *


quelque chose appelle

déchirure douce qui arrive

             et dit : oui

la surface sans une ride

             et dessous pourtant

les remous d'une source résurgente

cherche la trajectoire de

l'oiseau de l'ombre

qui délivre ses entrailles.



Au présent d'infini. - éditions V. Rougier,

collection Ficelle, n° 107, 2012, 32 pages.

 

 

 Luce Guilbaud

Parmi ses autres recueils : Les repaires de la nuit (Le Dé bleu, 1979) ; Présages et tremblements (La Bartavelle, 1989) ;  Le coeur antérieur (Le Dé bleu, 1998) ; Une pluie de non retour (Dumerchez, 2002) ; Rouge incertain (Le Dé bleu, Écrits des Forges, 2002) ; Une robe de feuilles (V. Rougier, Ficelle 51, 2003) ; Noir et après (Alain Benoît, 2004) ; Elle lui dirait la mer (Tarabuste, 2004) ; Sanguine (La Renarde rouge, 2005) ; Au terme de l'abeille (V. Rougier, Ficelle 87, 2008) ; Feuillée de verts avec retouches (Tarabuste, 2009).

Déjà invitée dans Poésiemaintenant, le 10 mai 2006.

19:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

16/03/2012

Dominique Sampiero (2)

 

Héritage de la stupeur (extrait)

 

Il faut quelqu'un pour mourir. Et quelqu'un pour regarder mourir. Une fleur, un vase. Un baiser, une bouche. Un regard pour celui qui part, un regard pour celui qui veille. Ce don des larmes retenues, ce mouvement secret des sources au centre des pupilles, inachevé jusqu'à la mort et longtemps après, tissé du premier au dernier souffle entre la mère et l'enfant, laisse fléchir le monde doucement dans sa sagesse. Il s'agenouille devant le dieu de celui qui part. De celui qui s'éloigne sans se retourner. Sans revenir sur ses pas. Même si le dieu est absent dans la vie de celui qui part, l'effacement de la conscience reste une énigme dans le verre d'eau fragile de l'instant. Celui qui guette boit ce verre d'eau enfin. Celui qui part aussi. Ils boivent ensemble l'invisible fraîcheur. Mais dans leur bouche, l'un trouve la salive amère. Le pas à pas de l'absence jusqu'au dernier soupir. L'autre, la stupeur d'une présence ravivée.

Puis, celui qui meurt regarde celui qui guette comme un enfant. Avec les même yeux éblouis et blessés d'aurore. Le même cri muet. le même tremblement de faim sur les lèvres. Et le guetteur berce sa demande dans le silence craintif de ses yeux. Sous les cils d'une mère accueillant la vastitude retrouvée.  Tous deux remontent au premier lit. Au premier lien. Pour le défaire. Détisser toutes les brides enlacées qui nous apprennent à aimer. 

Celui qui meurt offre le feu de la stupeur à celui qui reste, l'énigme de sa vie ouverte pour l'éternité. Un feu que rien n'éteint jamais. Même quand on tremble de l'oublier. L'agitation qui les force l'un et l'autre au quotidien à ne pas penser à la mort fleurit en silence dans la position assise du guetteur, penché à tomber sur le lit du mourant. Et parfois il tombe, il meurt quelques secondes avec celui qui part. Jusqu'au moment de la séparation, où l'un se relève et l'autre se couche. mais elle fleurit aussi l'agitation dans l'allongement du corps de celui qui se donne à la grande et longue coulée, telle une brindille à la surface d'un étang dont la profondeur toujours recule.

Dans la chambre, les fenêtres se font plus douces, plus silencieuses. La lumière perle au front des deux initiés.

 

(inédit, mars 2012)


Dominique Sampiero


Né en 1954. Parmi ses nombreux autres recueils : Sèves, la nuit des sources (Cahiers Froissart, 1987, Prix Luc Bérimont) ;  Terre pour une légende qui n'en a plus (Cheyne, 1991, Prix Kowalski) ;  La vie pauvre (La Différence, 1992, Prix Max-Pol Fouchet) ; Grammaire du granit (La Bartavelle, 1994) ; Centre ville (Paroles d'Aube, 1995) ; Lettre par la fenêtre (Dumerchez, 1995) ;  La claire audience (Cherche-Midi, 1995) ; La fraîche évidence (Lettres Vives, 1995 et 2003) ; Les pluies battantes (Lettres Vives, 1996) ; Retour au sang (Lettres Vives, 1997) ; Épreuve de l'air (éd. du Laquet, 1998) ; Patience de la blessure (Lettres Vives, 2003).

Récits : La lumière du deuil (Verdier, 1997) ; Carnet d'un buveur de ciel  (Lettres Vives, 2007) ; Le maître de la poussière sur ma bouche (Lettres Vives, 2009).

Romans : Les fruits poussent dans les arbres (Flammarion, 2002) ; Le rebutant (Gallimard, 2003) ; Le dieu des femmes (Grasset, 2004) ; Holy Lola (avec Tiffany Tavernier, Grasset, 2004) ;  La petite présence (Grasset, 2006) ; Les encombrants (Grasset, 2009).

A paraître en mars 2012 : Bégaiement de l'impossible et de l'impensable (Lettres Vives).


Déjà invité dans Poésiemaintenant le 4 juin 2006. 

16:54 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

29/01/2012

Bernard Vargaftig (1934 - 2012)

 

Poussière

Phrases soif soif

Où l'été s'ouvre

Où tu me touches

 

Et l'aveu terrible

Ce vent voici

Ta nudité

Un cri qui te cache

 

Et la falaise

Blanche et la mémoire

Comme tout chancelle

Près de la barque

 

In : revue Faire Part, n° 5/6, printemps 1985.

 

Bernard Vargaftig (1934-2012)

Parmi ses recueils : Chez moi partout ( éd. Pierre Jean Oswald, 1962) ; La véraison (Gallimard, 1967) ; Description d'une élégie (éd. Seghers, 1975) ; Orbe (Flammarion, 1980) ; Et l'un l'autre Bruna Zanchi (éd. Belfond, 1981) ; Sinon (éd. Atelier des Grames, 1984) ; Tout le monde le monde (éd. André Dimanche, 1994) ; L'inclination (éd. Atelier des Grames, 1994) ; Craquement d'ombre (éd. André Dimanche, 2000) ; Comment respirer  (éd. Obsidiane, 2003) ; Trembler comme le souffle tremble (éd. Obsidiane, 2005) ; Ce n'est que l'enfance (éd. Arfuyen, 2008).

C'est Véronique Vassiliou, en 1989, qui m'avait fait découvrir Bernard Vargaftig. Le bonhomme, que j'ai rencontré une ou deux fois, avait une authenticité, une vraie modestie - pas du tout dans la frime, lui non plus, comme Gérard Augustin. Ces deux-là vont nous manquer. Nous manquent déjà.

On lira avec profit la thèse de Véronique Vassiliou : Le vers dans quelques-uns de ses états : André Du Bouchet, Bernard Vargaftig, Jean Tortel / sous la direction de Raymond Jean (Aix-Marseille 1, 1989).

Ainsi que : La poésie dans les soulèvements : avec Bernard Vargaftig / Serge Martin (éd L'Harmattan, 2001, collection Esthétiques).

Et : Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, juillet 2008 / dir. par Béatrice Bonhomme, Serge Martin et Jacques Moulin (revue semestrielle Méthodes ! littératures française et comparée, n° 15, 2009 ; avec les poèmes de Bernard Vargaftig : L’énigme du vivant).

 

Sinon, consulter :

http://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/12/bernard_vargaft.html

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/archive/2012/01/28/bernard-vargaftig.html

http://martinritman.blogspot.com/2012/01/bernard-vargaftig-nous-laisse-sa-vie.html

http://www.ccic-cerisy.asso.fr/bernardvargaftig08.html

 

 

04:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poème, poète, poésie