26/01/2012
Patrick Joquel
Les hauts sommets offrent au vent leurs déchirures
Le vol des martinets rabat leur orgueil
Engoncés dans nos muscles autant que dans nos regards
nous sursautons à leur passage
Leur grâce allège nos corps
Il nous semble ainsi parfois être un peu plus
qu'un simple enchevêtrement de cellules
Cependant
si nous demeurons ici
aussi longtemps qu'il dure
avec au long de nos jours
cette petite boule grise au fond de la gorge
il nous reste
cette intuition ou ce désir
Qui le sait vraiment
Se fondre avec un bel apaisement
dans le ciel
parmi les nuages de notre enfance
Pudeur des brouillards. - éd. de L'Amourier, 2002. - 80 p.
Patrick Joquel
Né en 1959. Parmi ses autres recueils : En amont du langage (éd. Encres vives, 1998) ; 17 vues du mont Silence (éd. Donner à voir, 2000) ; Et le ciel ? (éd. Solos, 2001) ; Heureux comme l'orque (éd. Pluie d'étoiles, 2001) ; Dans la mémoire du vent (éd. du Rocher, 2007) ; Un emploi du temps de chamois (éd. Clarisse, 2008) ; Croquer l'orange (éd. Pluie d'étoiles, 2008) ; Comme un chuintement d'air (éd. Soc et Foc, 2011) ; Tant de secrets se chachent alentour (éd. Gros Textes, 2011) ; Un bleu formidable (éd. Le Chat qui tousse, 2011).
Deux romans : Ruendo des merveilles (éd. du Laquet, 2002) et La pierre de ciel (éd. Izalou, 2011).
Ainsi que plusieurs ouvrages pédagogiques sur l'initiation à la poésie dans l'enseignement primaire.
Son site : http://www.patrick-joquel.com/
04:04 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poème, poésie, sommets, martinets, nuages, enfance
23/01/2012
Gérard Augustin (1942 - 2012)
L'obscurité douce opère des substitutions
autour du temple il y a un étagement
d'ombres plus légères que l'air que nous
respirons et nous aspirons l'obscurité
qui tombe de la voûte intacte pour rester
silencieux pour ne pas troubler les corps
déchus qui gisent dans l'herbe et
se mêlent aux blocs éparpillés l'obscurité
fait écran entre notre visage et notre respiration
mais nous l'aspirons parce qu'elle nous rend
la vie que nous risquions de perdre
en faisant le tour du temple à la recherche
d'une entrée plus lisible qu'une grotte
dans l'obscurité qui nous permette de nous
souvenir de la première fois où nous avons
vu le temple quand il n'était encore
qu'un écran dans la ville dressé au-dessus
des arbousiers et de l'unique oranger
qui donne des oranges dont on peut manger
la peau et la peau est un nouvel écran
entre l'obscurité et notre respiration
d'étagement inaperçu en arrière-plan
nous aspirons le souvenir qui nous relève
d'entre les morts ceux qui ont attendu
cette visite pour colmater les trous béants
dans l'herbe où devraient reposer des tambours
en surnombre nous dissimulons les coulisses
de l'obscurité lorsqu'elle frôle notre visage
et falsifie les traits auxquels nous tenions
plus qu'à l'écran chaleureux de l'obscurité
mais ce souvenir masque l'obscurité
que nous essayons d'étendre à nos pieds
devant les marches trop hautes comme si
nous devions en jouir à notre heure
qui n'est pas encore arrivée à notre
naissance plaquée sur la scène
comme si la perspective de notre visage
devait nous être restituée quand toute
l'obscurité sera sortie des actes de vie
qui s'agitent entre les colonnes trop droites
* * *
Nous longeons les tentes où s'abritent
les grévistes de la faim et nous n'avons rien
à leur donner même pas un sourire parce
qu'il fait trop sombre et notre visage est
caché par les feuillages et nous n'osons
insister alors que des policiers veillent et
recueillent tous les sourires et les formules
d'encouragement pour en faire un testament
indéchiffrable nous avons quitté notre père
dans les beaux quartiers et nous n'avons gardé
en réserve que le sourire qui accompagnait
le départ et la descente dans la nuit de la rue
nous avons souri à la nuit comme si nous
voulions ajuster à la lumière des réverbères
une image synthétique de nous-mêmes qui
nous empêche de nous joindre aux grévistes
de la faim dont nous ignorons la détermination
et la cause nous préférons bavarder avec les
silhouettes du déclin de la ville qui nous
accompagnent comme des animaux fidèles
en nous interdisant de prononcer les noms
qui pourraient être reconnus et pourraient
faire de nous les amis de ceux qui veillent
auprès des tentes des minuscules abris à
même le trottoir que nous ne finissons pas de
parcourir avec la légère culpabilité de ceux
qui ont aperçu la vérité l'espace d'un éclair
et ne cherchent pas à la communiquer
surtout aux visages irrépressibles et
neutres qui nous entourent d'un défilé de
mots soufflés en sourdine les mêmes mots
que nous avons entendus chez notre père
mais comme l'aboutissement d'un événement
qui n'a pas eu lieu parce que nous n'en
croyons pas nos yeux nous prenons les tentes
pour des abris d'alpinistes éperdus glissés
dans la ville par la même effraction qui
introduit les visages et nous réfléchissons à
tous les mots monotones et excités à la fois
qui nous viennent dès que nous avons dépassé
les tentes et regagné la lumière de la place
qui nous arrive par négligence comme le seul
événement que nous méritons la lumière
suffisante au calcul de la vie
Athènes dispersée parmi les fleurs /
photos de Julien Augustin ; présentation de Michel Cassir.
- éd. L'Harmattan, 2010 (collection Levée d'Ancre).
Gérard Augustin
Né en 1942, il vient de nous quitter le 20 janvier 2012.
Parmi ses autres recueils : Sans intention (éd. Atelier des Grames, 1970) ; Vies nouvelles (éd. Flammarion, 1979) ; Indes méditerranéennes (éd. Flammarion, 1984) ; Dragons (éd. Atelier des Grames, 1987) ; Sinon pour cette lumière (éd. Atelier des Grames, 1991) ; La fille de Roland (éd. Atelier des Grames, 1992) ; Dialogue avec la Sibylle au bord du lac Averne (éd. Digraphe, 1998) ; Le guide des égarés (éd. Digraphe, 1999) ; Le voyage de Lao-Tseu à Constantinople (éd. L'Harmattan, 2004) ; Nicosie (éd. L'Harmattan, 2008).
Nombreuses traductions de poètes grecs contemporains : Ntinios Siotis, Myrta Sessarego, Nanos Valaoritis, ...
Un hommage de Marc Fontana :
http://www.culture.paris-sorbonne.fr/placedelasorbonne/2013/01/07/pour-saluer-gerard-augustin-par-marc-fontana/
12:30 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : poéme, poésie, poète, athènes, temple, obscurité, grévistes de la faim
12/01/2012
Marie-Christine Masset
Il est temps de ranger dans l'armoire
draps, statues et ce peu de cendre
qui la nuit chassait les diables
Pour le meilleur et pour le pire
guerrière je parlerai au soleil
fille d'amoureuse étoile
j'incendierai la tourbe des forêts
où s'engluaient les oiseaux
je comblerai de sable les puits
gorgés du sang des mères
Peut-être restera-t-il
juste un reflet de ce qui fut
assez pour croire possible
un autre mirage
où le jour s'avancera
Et pourtant elle tourne / présentation d'André Ughetto.
- éd L'Harmattan, 2007. - 84 p.
Marie-Christine Masset
Née en 1961. Parmi ses autres recueils : Diaclase de nuit (éd. Hors Jeu, 1994) ; Parole brûlée (éd. L'Arbre à Paroles, 1995) ; L'embrasée (éd. Jacques Brémond, 1998, Prix Ilarie Voronca) ; Ile de ma nuit (éd. Encres vives, 2006).
Ainsi que 4 livres d'artiste avec Joëlle Jourdan, et un récit : Un seul oiseau ou le secret des Cévennes (éd. Lacour-Ollé, 2006).
12:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)